En avril 2012, j’achete un vieux VTC d’occaz sur Le Bon Coin pour me rendre au travail en vélo. Après seulement quelques jours, je suis totalement conquis, je résilie l’abonnement transports et je fais les 2×3 km quotidiens sur le deux-roues. A vrai dire la question du voyage à vélo éveillait ma curiosité depuis déjà quelques temps et très vite, je commence à équiper le vélo de porte-bagages et de sacoches.
Je me lance enfin en août 2012 pour une semaine de vélo itinérant, sans grands moyens : mon matériel de rando et des sacoches Vaude de 60 litres ; et sans même d’objectif particulier… Je me rends au Vieux Campeur à Paris à la recherche d’inspiration, je tombe sur un topo-guide sur la Loire à vélo des sources à l’embouchure, je me dis alors pourquoi pas tenter de rejoindre les sources de la Loire ?? Direction Orléans puis le Massif Central !
A raison de quelques jours chaque année entre 2012 et 2016, j’ai fini par boucler un tour de France à vélo de 3500 km. Je présente ici rapidement les différentes étapes.
Août 2012 : Paris – Le-Puy-en-Velay (770 km)
Le voyage initiatique : partir quelque part et aller le plus loin possible en 9 jours ! J’ai fini par remonter la Loire jusqu’au Puy où elle n’était plus qu’une petite rivière de montagne au lieu du grand fleuve sauvage et ensablé qu’on a en tête.
Les conditions sont difficiles en pleine canicule du mois d’août, les températures dépassent parfois les 40°C. La piste cyclable le long de la Loire entre Orléans et Nevers est exceptionnelle pour qui veut faire du cyclo-tourisme, elle ne longe pas tout à fait le fleuve et reste à 100-200 m (à cause des marécages et des crues ?) mais elle est en bon état, bien indiquée par des panneaux, bien isolée des véhicules motorisés. A partir de Nevers, je suis repassé sur la route. Le dénivelé est quasiment nul jusqu’à Roanne où l’on entre dans le Massif Central. La Loire serpente alors dans des gorges et monte tranquillement jusqu’au Puy.
Août 2013 : Le Puy-en-Velay – Toulouse (700 km)
Et si je continuais ? L’année suivante, je retourne au Puy pour poursuivre le voyage et avec l’objectif de rejoindre la Méditerranée. Je laisse la Loire pour faire mon propre chemin qui m’emmène dans les gorges du Tarn et des cols à plus de 1000m. Le relief est difficile mais le paysage est magnifique et il se renouvelle constamment, ce qui casse la monotonie et me motive à aller plus loin.
La descente est très rapide, avec une pointe à 72 km/h sur un vélo bien chargé 🙂 Ça me permet de faire la plus longue étape (131 km) alors que d’habitude je fais plutôt 90-100 km en moyenne. J’arrive enfin à la mer à Sète mais en pleine période estivale, impossible de trouver une place en camping ! Après la rencontre d’un autre cyclo venu de Californie pour rallier l’Italie depuis l’Espagne via la France, je passe ma première nuit à la belle étoile sur la plage à proximité de l’étang de Thau.
Je me donne ensuite pour objectif de remonter le Canal du Midi d’Agde à Toulouse. Le canal est correctement aménagé au début mais assez vite, loin des villes, le chemin de halage est en mauvais état, plein de racines, de pierres et d’herbes hautes. Une racine au mauvais endroit me vaut une chute dans le canal avec le vélo et tout l’équipement ! La berge est trop haute, impossible de remonter seul sans l’aide de passants heureusement présents sur le chemin. Plus de peur que de mal mais tout l’équipement est trempé et couvert de vase… Je quitterai le canal à plusieurs reprises pour rejoindre des routes proches et pouvoir avancer à un rythme correct. En m’approchant de Toulouse le canal redevient agréable à parcourir.
J’ai pu me baigner dans des lacs ou des rivières tous les soirs, les paysages étaient très variés et le bivouac m’a permis de rencontrer d’autres voyageurs très sympathiques. C’était sans doute la section du tour de France la plus belle, la plus intéressante et la plus agréable à parcourir.
Août 2014 : Toulouse – Bordeaux (800 km)
Après les deux parcours réalisés, commence à venir l’idée de faire une boucle en revenant à Paris. Je reprends donc à Toulouse avec un nouveau vélo, celui qui me servira à aller à Singapour, et avec Damien, un ami qui ne me servira pas à aller à Singapour :p
Nous décidons de ne pas prendre le chemin le plus court pour rallier Bordeaux mais peut-être le plus varié. On remonte donc la Garonne au grand étonnement des locaux qui nous disent que Bordeaux est dans l’autre sens ! Les Pyrénées approchent petit à petit, nous restons sur les premières collines mais nous montons quand même jusqu’à 700 mètres d’altitude. Après une rapide visite de Lourdes, le parcours continue plein ouest pour entrer dans le Pays Basque. Arrivés au bord de l’océan Atlantique, c’est l’occasion de piquer une tête à Cap Breton, sans oublier d’aller jeter un œil aux blockhaus.
En rejoignant l’océan, le chemin vers Bordeaux bifurque vers le nord et traverse la foret landaise sans jamais s’éloigner de la plage mais sans offrir les points de vue qu’on pouvait souhaiter. La remontée des Landes est donc une piste cyclable de foret, confortable pour rouler mais un peu monotone. On prendra quand même le temps de gravir la solitaire dune du Pilat et rendre visite a une amie près d’Arcachon (Biiiine si tu me lis, merci :)).
Juillet 2015 : Paris – Caen (440 km)
Cette partie était finalement la plus courte et la plus tortueuse parce que je n’avais prévu que 4 jours à l’occasion du week-end du 14 juillet et parce que les prix des trains avec emplacement vélo étaient juste prohibitifs. Je me suis donc rabattu sur une destination proche de Paris. Direction la Normandie ! Pas de photos de cette portion parce que je les ai pas retrouvées 🙁
Je me donne comme premier objectif les deux grands ponts de l’estuaire : le pont de Tancarville et le pont de Normandie. S’ils sont praticables à vélo, surtout le pont de Normandie qui a une piste cyclable, l’accès est TRÈS compliqué (sans doute conçu par des automobilistes pour qui le vélo c’est sympa au Tour de France mékanmême). Au point qu’après une matinée à me perdre dans la très sexy zone portuaire du Havre sans jamais trouver la route « officielle », je décide d’emprunter l’autoroute pour accéder au pont de Normandie ! Quelques kilomètres de klaxons et de frayeurs mais ça passe. La traversée des ponts est difficile à cause du vent de travers, ce qui oblige parfois à s’arrêter et pousser.
Par la suite, j’ai longé la côte jusqu’aux plages du Débarquement. L’Histoire est omniprésente avec les vestiges des défenses allemandes, les cimetières militaires et les musées. Difficile d’imaginer l’enfer qu’était ce bord de mer 71 ans plus tôt mais je réalise la chance que c’est de pouvoir parcourir tout le pays à vélo, en toute liberté et en toute sécurité.
Les douches présentes sur les plages touristiques sont l’occasion de se laver et retrouver un peu de fraicheur. Après quelques nuits en camping sauvage, ça fait plaisir 🙂 C’est déjà le moment de rebrousser chemin vers Caen pour attraper un train et terminer cette (petite) portion du tour de France.
Avril-Mai 2016 : Bordeaux – Caen (800 km)
Cette dernière portion du tour de France est aussi un voyage d’essai dans des conditions proches de celles du grand voyage vers Singapour !
Parti de Bordeaux, je suisla Garonne jusqu’à la pointe du Médoc, parmi les vignes les plus prestigieuses de France. Les châteaux sont partout, certains grands et magnifiques, d’autres ne sont que des maisons banales au bord d’une parcelle.
La traversée de la Garonne s’est faite au plus loin, là où commence l’océan, entre le Verdon et Royan. La remontée vers le nord se fait en évitant soigneusement les grandes villes pour ne pas être au milieu du trafic automobile mais la route s’avère peu passionnante et il ne me reste pas de souvenirs mémorables. Quasiment à mi-chemin, je traverse enfin la Loire, c’est symbolique de retrouver ce grand fleuve peu après Nantes, très différent de là où je l’avais quitté au Puy-en-Velay.
L’objectif que je me donne est ensuite le Mont Saint-Michel parce que je n’ai jamais vu de mes propres yeux cette curiosité géographique. C’est aussi important de se donner des objectifs qui ne sont pas forcément sur le trajet, pour casser la routine et rester motivé. Je passe même une nuit aux abords du château de Saint-Aubin-du-Cormier, le lieu qui a vu la défaite de l’armée bretonne en 1488 et de ce fait son rattachement à la France. La route est ensuite plus intéressante, avec une piste cyclable qui passe entre champs et forêt puis vise le Mont. La Normandie est bien plus vallonnée, je ne vais peut-être pas très vite dans les cotes mais ça casse la monotonie par rapport aux plaines du Poitou et de la Vendée. J’arrive finalement à Caen après quasiment 800 km en 8 jours.
A cheval sur les mois d’avril et de mai, la première moitié du parcours est fraiche et maussade. Avec ce temps, la condensation dans la tente était assez importante et humidifiait le duvet 🙁 Je n’ai eu aucun problème avec les gelées certains matins mais c’est un point à surveiller pour éviter de se retrouver avec un duvet trempé ET des nuits fraiches. Je n’ai pas eu de problème d’étanchéité des sacoches malgré la pluie pendant une matinée entière, c’est plutôt l’organisme qui souffre à cause de la température extérieure (~10°C). Je me souviens qu’à Taïwan malgré la pluie battante, s’il fait doux c’est très supportable. C’est difficile d’accepter de s’arrêter pour laisser passer la pluie. La deuxième moitié était heureusement plus favorable avec des températures plus douces et du soleil. Il faut juste faire attention aux dates de péremption, ma crème solaire protégeait des ultraviolets mais me donnait des boutons :p
J’ai fait ce voyage en étant au plus près des conditions du vrai grand voyage prévu : accès à internet minimal pour charger les cartes tous les quelques jours, pas de prise pour charger les batteries, budget réduit à environ 5 euros par jour, pas de camping aménagé, pas de douche (juste des lingettes et les rivières :p). Ce qui me paraissait difficile la veille du départ était finalement très supportable. Au niveau mécanique, j’ai manqué de chance avec une crevaison sur la roue arrière après environ 200 km. Et 50 km plus tard, la roue avant ! Il faut relativiser puis c’était la première crevaison à l’avant sur ce vélo après plus de 5000 km.
Ma plus grande inquiétude porte sur le ressenti au cours du voyage. En faisant un effort physique, fatigant, solitaire, répétitif et donc monotone, pendant 6 à 7 heures par jour, j’ai l’impression d’«anesthésier» mes sens. C’est comme si je ne profitais pas de ce qui m’entoure, comme si les évènements se passaient trop vite. Je m’installe aussi dans une certaine routine en plantant la tente tous les soirs. Ce qui est exceptionnel en temps normal – dormir là où je ne devrais pas – devient juste la norme. Les jours et les nuits se ressemblent et se mélangent, et si aucun élément ne vient perturber cette horloge, j’ai bien peur de voir passer ce voyage comme spectateur. Je devrai tempérer mes ardeurs, savoir m’arrêter pour découvrir les régions visitées au lieu de les laisser défiler, faire l’effort de prendre un détour et aller à la rencontre des gens.