du 02/12/2016 au 13/12/2016
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2 décembre, jour 163 : Frontière émiratie – Khasab (60 km)
La route est maintenant taillée dans les montagnes plongeant dans la mer. Toute la péninsule de Musandam est un massif sédimentaire qui a été formé au fond de la mer puis soulevé par les forces tectoniques au cours des dizaines de millions d’années. Il y a 17000 ans, à la fin de la dernière glaciation, le niveau de la mer était bien plus bas et le golfe Persique était une vallée où coulaient le Tigre et l’Euphrate. La montée des eaux a formé le golfe Persique et englouti le fond des vallées de la péninsule de Musandam. Cela donne maintenant cette côte déchiquetée avec ses nombreux fjords (je ne sais pas si le terme conviendrait).
La route qui mène à Khasab est essentiellement plate mais les quelques montées sont terriblement raides. Il fait chaud, un bon 30°, et assez humide, le tee-shirt est vite trempé. Le trait de côte est fractal, je crois être arrivé à destination en voyant le port de l’autre côté du bras de mer mais non ! Il faut longer les terres sur 5 kilomètres pour se retrouver « juste en face ». Ce n’est pas pour me déplaire, le paysage est juste magnifique. Je casse la chaine peu avant mon arrivée en ville, je répare assez vite mais ça devient vraiment trop fréquent à mon goût.
J’arrive finalement à Khasab pour le déjeuner, c’est une ville moyenne assez tranquille. L’activité touristique est tournée vers la visite de la péninsule en bateau, avec la possibilité de passer la nuit dans une crique isolée et l’observation des animaux marins. Je n’ai pas vérifié les prix mais Oman est une destination coûteuse… Je reste à terre pour le moment, j’achète mon billet pour le voyage en ferry vers la capitale prévu le lendemain matin.
Je passe la nuit sur une plage avec une grande aire de camping où les touristes et les locaux viennent y passer la nuit. C’est malheureusement bruyant et l’on est constamment dérangés par les phares des voitures et les klaxons indispensables en pleine nuit.
3 décembre, jour 164 : Khasab – Muscat (11 km)
Je peux presque faire une grasse mat’ en me levant à 7h30 ! La toile extérieure de la tente est trempée par la rosée, ça n’était plus arrivé depuis très longtemps. J’ai le temps, je peux la laisser sécher au soleil avant d’aller visiter le fort.
Il a été construit par les portugais au début 17ème siècle, lorsque ceux-ci contrôlaient le sultanat et imposaient leur hégémonie sur le commerce dans l’océan Indien. Oman a une longue histoire maritime avec les premiers voyages vers la Chine dès le 8ème siècle et en ouvrant plus tard des comptoirs commerciaux dans les Indes et en Afrique de l’est. En plus du bâtiment fortifié lui-même, des bateaux de pêcheurs typiques de la région sont exposés dans la cour. Leurs techniques sont présentées, comme celle qui consiste à grimper sur un pic surplombant une baie pour repérer les poissons puis signaler leur position en hurlant aux bateaux, avec l’aide de la réverbération du son sur les parois verticales des montagnes. Le fort couleur sable où poussent des palmiers et les montagnes en arrière plan offre une vue magnifique et correspond bien à l’image que je me faisais d’un port de la péninsule d’Arabie.
Je me dirige ensuite vers le port pour embarquer sur le ferry. Comme souvent, mon terrible vélo suscite la suspicion et mes affaires passent aux rayons X. La sacoche de guidon intrigue les contrôleurs, elle est fouillée, le type trouve mon couteau Opinel et l’ouvre avec la bague verrouillée. Bravo, il me le met en morceau ! Vient ensuite la sacoche avec la bouteille de carburant du réchaud mais ce qu’ils cherchent dedans est bien plus redoutable : un fond de pot de beurre de cacahuète. Après s’être assurés du contenu du pot, tout va bien. Je peux préparer tranquillement ma prise d’otages avec mon Opinel et ma bouteille d’essence.
Le bateau est un peu spécial. Il n’est pas très grand mais avance à très grande vitesse : 80 km/h ! Les passagers doivent rester dans la cabine pendant toute la durée du voyage, de toute façon le pont est minimaliste. On parcourt ainsi les 400 kilomètres jusqu’à Muscat en tout juste 5h30. Le début du trajet fait le tour de la péninsule de Musandam mais d’assez loin. Les paysages offerts sont vraiment impressionnants, des falaises chutent de centaines de mètres et s’étendent sur des kilomètres, des petits îlots sortis de nul part s’élèvent à 300m. Je regretterais presque de ne pas être resté pour faire la petite croisière pour voir tout cela de près.
Je débarque à Muscat peut après le coucher du soleil. La ville semble sympa même si je reste dans les environs du port sur l’étroite bande côtière. Je dîne dans un parc public surélevé où les familles viennent passer la soirée. Un homme rencontré plus tôt m’avait suggéré d’y planter ma tente pour la nuit mais il n’y pas de coin discret mal éclairé et je risque d’en être chassé à l’heure de la fermeture. Je me rabats sur un terrain vague au pied du parc où personne n’y trouvera à redire.
4 décembre, jour 165 : Muscat – Bidbid (92 km)
La capitale se révèle être un bien jolie ville. Je ne fais que traverser en vitesse la partie nouvelle mais je vois des fleurs partout aux couleurs éclatantes, comme s’il fallait conjurer la monotonie des montagnes alentours. Les bâtiments d’un blanc immaculé sont éblouissants sous le soleil. J’y reviendrai plus tard et je visiterai à ce moment-là avant de prendre l’avion vers l’Asie du sud-est.
Je me dirige vers l’ouest pour faire une boucle dans les montagnes. Les vallées accueillent des rivières et sont paraît-il pleines de végétation alors les montagnes sont complètement nues. Je passerai au pied du Jabal al Shams (« montagne du soleil »), le point culminant du pays avec ses 3009 mètres. Ça a l’air marrant écrit comme ça mais je sens que je vais souffrir…
Je fais un petit crochet par une boutique de vélo que j’avais contacté 2 semaines plus tôt pour voir ce qu’ils peuvent me proposer pour remplacer des pièces d’usure, et surtout pour qu’ils me fournissent une boîte en carton pour emballer le vélo et le transporter en avion. Je galère un peu pour trouver l’endroit, quelle idée aussi de faire d’une belle villa sur les hauteurs de Muscat une boutique de vélos sans aucune signalétique. Je casse même la chaine (encore) juste avant d’y arriver. Pour le carton c’est bon mais pour remplacer un galet du dérailleur, ça risque de me coûter un bras. Je regarderai ça à mon retour à Muscat ou bien j’attendrai même le Vietnam.
Le reste de la journée, j’avance dans les terres sous un soleil de plomb. J’ai passé le tropique du Cancer donc même en plein mois de décembre, le soleil est très haut… Le paysage ressemble au sud de l’Iran lorsque je roulais au fond des vallées. C’est plutôt joli et je roule à l’écart des voitures sur la bande d’arrêt, tout va bien. Je m’installe bien à l’écart de la route pour la nuit mais il n’y a que des cailloux au sol. Je ne peux pas les balayer pour dormir sur un sol plat et ne pas percer ma tente ou mon matelas, je dois faire avec. Les moustiques ne manquent pas de me repérer et de m’infliger leurs piqûres. Je n’ai plus le réflexe de m’asperger de répulsif.
5 décembre, jour 166 : Bidbid – Nizwa (95 km)
Journée classique, je continue d’avancer dans les terres en montant légèrement, je finis à 500-600m d’altitude.
La bonne surprise à Oman est la langue. L’anglais est assez bien compris par mes interlocuteurs et les boutiques décrivent systématiquement ce qu’elles proposent dans la langue de Shakespeare. Mais surtout, parce que je parle un peu le dialecte libanais, je peux comprendre leur dialecte de l’arabe et me faire comprendre sans trop de difficultés. Je pensais être très limité et incapable de comprendre plus qu’un mot sur 5 comme ça pourrait être le cas avec des maghrébins mais non, il me suffit souvent d’adapter certains sons pour comprendre l’essentiel. Par exemple pour le mot « soleil », je dois dire « shams » au lieu de « shamesse » ; pour une « tente », c’est « khaimah » au lieu de « khaimeh » ; pour une « pierre », c’est « hagara » au lieu de « hajara ». Hormis ces changements de sons, le vocabulaire varie mais la grammaire et l’ordre des mots ne change pas. Je reste plus à l’aise en anglais parce que j’ai un vocabulaire plus riche mais c’est tout de même pratique quand en face la personne ne le comprend pas. C’est même génial par rapport à l’isolement « conversationnel » des mois précédents !
6 décembre, jour 167 : Nizwa – Al Hamra (64 km)
J’entame la journée par la visite du fort de Nizwa dès l’ouverture. Je suis presque seul pendant la première heure avant que les groupes de touristes n’arrivent. Le fort avait une grande importance pour défendre cette région et la tour principale domine la ville du haut de ses 30 mètres. La petite partie musée est intéressante. J’apprends par exemple que la région produit de l’indigo, un colorant naturel violet, et que cette marchandise très recherchée dès l’Antiquité était exportée vers la Mésopotamie et le bassin méditerranéen. On trouve encore aujourd’hui des cultures de la plante qui donne l’indigo après extraction et fermentation, j’en apercevrai à plusieurs reprises dans l’après-midi. Ce colorant naturel reste utilisé par exemple pour des cérémonies à place du colorant industriel.
À la sortie du fort, je constate que ma roue arrière est à plat… La chambre à air me faisait des siennes depuis deux bonnes semaines, en se dégonflant lentement sur plusieurs jours puis se vider d’un coup. Ça ne ressemble pas à une crevaison, je soupçonne la rustine de s’être décollée ou la valve d’être abimée. Je choisis de la remplacer par une chambre à air neuve. Je découvre aussi à cette occasion un rayon cassé sur la roue arrière, en plus d’un rayon qui n’était plus tenu correctement depuis plusieurs semaines et que je rechignais à réparer. Je ne peux pas rouler avec 2 rayons hors-service mais je n’ai pas le fouet à chaine pour démonter la cassette de pignons. Cet outil sert à bloquer la rotation de la roue libre pour dévisser les pignons. J’essaie d’abord de bloquer les pignons à la main avec un chiffon mais au moindre faux mouvement, je risque de me râper les mains sur les dents acérées, c’est un coup à se blesser très sérieusement. J’y arrive finalement en utilisant la chaîne de rechange que j’enroule sur un pignon puis autour de la jante. J’en profite pour nettoyer les pignons et retirer le mélange de poussières et de graisse accumulé depuis des mois. Je reprends enfin la route en début d’après-midi alors que je n’ai pas encore avancé de la journée !
Je poursuis ma route en direction de la profonde vallée au pied du Jabal al Shams dans l’espoir d’y trouver de jolis paysages. Comme les ennuis n’arrivent jamais seuls, je pense avoir cassé la manette du dérailleur avant mais en la démontant quelques jours plus, je vois que c’est simplement le câble qui a rompu et a bloqué le mécanisme. Je reste donc bloqué sur le plus petit plateau ; ça va, c’est dans le bon sens : je me voyais mal grimper des montagnes sur le plus grand plateau ! Il va falloir que je remplace pas mal de pièces sous peu sinon je ne pourrai plus rouler. Je termine tout de même la journée à proximité de la vallée que je visais et que je visiterai au petit matin.
7 décembre, jour 168 : Al Hamra – Bilad Sayt (54 km)
J’entre dans le canyon alors que le soleil se lève, la lumière est superbe. Je ne peux pas avancer très loin en l’absence de route, le chemin de petites pierres laissant place à des gros blocs rocheux. Une piste semble monter sur un flanc du canyon mais je n’ai pas le courage de grimper. Le ciel se couvre de nuages moutonnés et change du bleu uniforme des jours précédents.
Je rebrousse ensuite chemin sur une vingtaine de kilomètres pour entamer l’ascension d’un col à 2000 mètres en partant de 600 mètres d’altitude. Ça fait alors plus d’une quinzaine de jours que je n’ai pas fait de véritable longue montée et près d’un mois que je ne suis plus monté aussi haut. Je le ressens, je peine dès le début de l’ascension. Il faut dire que les Omanais ne s’embêtent pas à faire des lacets ou en tous cas réduire la pente, ils tirent souvent tout droit à bien plus de 10% ! Je pose le pied à terre et pousse le vélo sur environ un tiers des 30 km de l’ascension, je peine parfois à marcher à 3 km/h à certains moments. C’est le col le plus difficile auquel j’ai eu à faire jusque là.
Je casse ma chaine à deux reprises dans cette montée, ce qui me fait perdre à chaque fois du temps. Entamé à 10h, j’arrive au sommet à 16h45, ce qui donne près de 6h en excluant le déjeuner et avec très peu de pauses. Je ne peux pas vraiment m’offrir le luxe de trainer avec le peu d’eau que j’ai embarqué, je dois atteindre un village sur l’autre versant. Heureusement, je trouve un hôtel perdu près du sommet du col et me ravitaille en précieux liquide.
Si la vue pendant la montée n’est pas exceptionnelle, les nuages n’aidant pas, l’autre versant est à couper le souffle. La montagne tombe presque à la verticale et la roche forme cavernes, falaises, pitons rocheux dans un désordre indescriptible. Lorsque je me retourne, je suis véritablement incapable de deviner par où j’ai bien pu passer à travers ce chaos minéral. La route n’est même plus goudronnée et couverte d’une poussière fine comme de la farine. Chaque mouvement soulève un nuage de poussière et recouvre entièrement mes jambes jusqu’aux mollets. Pour ne rien arranger la pente est terriblement raide. Je me retrouve plusieurs fois à déraper, irrésistiblement attiré vers le bas, à jauger les freins pour ne pas prendre de vitesse mais aussi pour ne pas bloquer les roues et perdre le contrôle. Je suis parfois forcé de descendre à pied avec le vélo qui me tire en glissant dans tous les sens, tapant sur les pierres et dérapant sur la farine. C’est véritablement la route la plus effrayante sur laquelle j’ai jamais roulé.
Malgré tout je ne regrette pas mes efforts pour le spectacle et l’expérience offert par ce versant nord. Grâce à l’eau trouvée en fin de montée, je n’ai pas besoin de continuer après la tombée de la nuit dans ce décor infernal et je peux m’arrêter sur un replat vaguement accueillant pour installer une tente.
8 décembre, jour 169 : Bilad Sayt – Hibra (92 km)
Je ne prends même pas la peine de changer de vêtements chargés de poussière, les pièces propres seront à coup sûr dans le même état après quelques minutes à patauger dans cette farine. Je continue à descendre péniblement en serrant les freins à en avoir mal aux mains. Je me retrouve au bas d’une vallée à devoir remonter d’une centaine de mètres pour poursuivre ma route. À plusieurs reprises je suis incapable de pousser le vélo, chaque pas me faisant glisser et redescendre. Pour ne rien arranger, lorsque la pente s’estompe, je pédale et casse la chaine à trois reprises en 5 kilomètres. Une des ruptures entraine même le dérailleur arrière vers les rayons de la roue, le dérailleur et la patte l’accrochant au cadre sont tordus, la roue n’a pas subi de dommages. Je parviens miraculeusement à redresser ce qui est tordu. Déjà bloqué sur le petit plateau, je dois maintenant me limiter aux pignons intermédiaires pour ménager le dérailleur miraculé. Je me trouve finalement au guidon d’un vélib, un vélo qui pèse un âne mort et me fait mouliner à un rythme effréné au dessus de 20 km/h. Le goudron fait son retour après ces pannes et je poursuis ma route au fond des gorges.
À la mi-journée, je rejoins la plaine et ses villes, je n’ai plus qu’à avancer en vitesse vers la capitale. Ayant prévu des plongées sous-marines le samedi, je n’ai plus de temps à perdre. Heureusement mon vélo tiendra le coup jusqu’au bout sans nouvelle panne.
9 décembre, jour 170 : Hibra – Muscat (91 km)
Rien de spécial, un parcours alternant entre ville et voies rapides. J’entre dans la région de la capitale qui s’étend le long de la côte sur des dizaines de kilomètres. L’urbanisme est très étalé, il n’y a pas de véritable centre. Les quartiers sont reliés par une autoroute urbaine bien chargée aux heures de pointe. Le centre historique avec le palais du sultan et d’autres bâtiments public est bien loin vers l’est, au pied des falaises, derrière de hautes collines. Il faut compter une quinzaine de kilomètres en partant des quartiers modernes et récents où je m’installe pour quelques jours avant de prendre l’avion.
10 décembre au 13 décembre : Muscat (135 km en visites et déplacements utilitaires)
Généralement je ne parle pas de mes activités les jours de repos mais je pense que la préparation de mon vol en avion a un intérêt.
Pour commencer, la sortie de plongée prévue est annulée à cause du vent qui creuse les vagues et agite la mer, ça valait vraiment le coup de me presser d’arriver à Muscat.
Je m’engage ensuite dans la préparation du voyage. La destination tout d’abord : j’avais initialement prévu de m’envoler pour l’Inde mais après l’expérience iranienne (très) mitigée, j’ai décidé d’éviter l’Inde qui aurait sans doute été encore plus difficile. Les témoignages sur ce pays rapportent une curiosité des Indiens qui vire au harcèlement, des routes en mauvais état, un style de conduite mortifère. [ Flash-forward : le peu que je verrai à l’aéroport de Mumbai quelques jours plus tard me confortera dans cette sage décision ! ] Je pense donc m’envoler pour Hanoï au nord du Vietnam, ce que j’avais envisagé après l’Inde, mais les billets d’avion commencent autour de 400€ et il faut s’approcher des 500€ pour trouver des compagnies acceptant avec certitude les vélos (Etihad Airways par exemple) mais seulement 23kg de bagages. En ajoutant les surcoûts liés aux dimensions et au poids, le prix risque de s’envoler (déjà 90-100$ pour le vélo, sans compter le surpoids). J’étudie le scénario d’un vol vers Ho-Chi-Minh-Ville au sud, c’est à peine moins cher.
J’échaffaude alors un parcours tordu mais qui marche ! Je choisis d’aller à Bangkok en Thaïlande, destination un peu plus proche et très bien desservie. Le pays étant plus développé que le Vietnam, je pourrai plus facilement faire réparer le vélo avec de bonnes pièces. Le réseau ferré, très peu cher, me permettra de me déplacer avec le vélo. Je prévois donc de rester à Bangkok quelques jours pour remettre le vélo en état puis de prendre le train jusqu’à la frontière laossienne. Partant de là, je traverse le Laos vers le sud-est pour rejoindre le Vietnam, je repars vers l’ouest pour traverser le Cambodge. De retour en Thaïlande par la route, je pourrai enfin faire de la plongée autour d’une grande épave à Koh Chang, près de la frontière cambodgienne. Je pourrai ensuite passer rapidement la région urbanisée de Bangkok en train et enfin rouler plein sud vers la péninsule malaise et Singapour. Les billets d’avion proposés sont bien plus accessibles, à partir de 200€, et surtout, les compagnies indiennes Air India et Jet Airways acceptent les vélos sans surcoût et proposent un poids de bagages généreux (25 kg pour Air India avec 10 kg supplémentaires pour 40$ si je ne me trompe pas ; 30 kg d’office pour Jet Airways). Je m’en sors donc pour 320€ pour l’avion et un pays supplémentaire à visiter et parait-il très agréable en vélo, le Laos !
La boutique de cycles contactée quelques semaines plus tôt, « Muscat Bike Shop », me vend un carton de vélo pour 6 rials (15 euros… mais ai-je le choix ?). Je ne fais pas les réparations en Oman, le devis oral s’élevant déjà à 50€ pour simplement changer les galets usés du dérailleur arrière, alors que le dérailleur complet coûte 40€ en France ! Ça attendra Bangkok. Je démonte le vélo le matin du départ, je retire à l’avant la roue, le garde-boue et le porte-bagages, je démonte le guidon. Tout cela rentre déjà difficilement le carton, notamment à cause de la dynamo-moyeu de la roue avant dont l’axe est large. Je protège le bout de la fourche avec de la mousse et du carton, ça n’empêchera pas qu’elle soit tordue en cas de choc très violent. L’idéal étant de trouver une pièce de bois ou de métal pour empêcher la fourche d’être déformée (accident fréquent ou fantasmé ?). Je jette pas mal de choses pour alléger le carton et pour respecter les règles du transport aérien. J’arrive à caser les sacoches et à caler le vélo, même tourné dans tous les sens le matériel ne bouge pas. J’ai des difficultés à évaluer le poids du carton. À mon départ, j’avais 28kg de bagages sans eau mais avec de la nourriture. Je suis peut-être descendu à 22 kg de bagages sans nourriture et en consommant quelques pièces de rechange, en portant ce qui est autorisé en cabine avec mes petits bras, je peux passer sous la limite des 30kg inclus dans mon billet. Dans tous les cas, un bagage en soute ne doit jamais dépasser 32 kg donc la marge est faible !
En ville, je discute avec un taxi qui se démène pour m’emmener à l’aéroport avec mon grand paquet. Ça ne rentre pas dans sa voiture, il m’emmène (gratos) à un lieu où l’on peut engager des chauffeurs en pickups (à l’intersection d’Al Ghubra à Muscat). On se met d’accord sur 25€, ça me parait cher mais je ne peux pas m’adresser à n’importe quel véhicule ni marcher moi-même vers le parking des pickups avec mes 40+ kg de bagages sur les bras.
À l’aéroport, ça ne se passe pas si mal pour le vélo avec la compagnie Jet Airways. Comme prévu le paquet est accepté malgré la taille mais il pèse 33 kg… Je passe en mode « Ryan Air » avec 3 tee-shirts, 1 polaire, 2 shorts et 1 pantalon, je jette tout ce qui remplaçable à moindre frais (sel, épices, huile d’olive, chambre à air…) et arrive à descendre à 30 kg pile ! Ils se fichent de me voir les bras chargés de sacs pour la cabine. La compagnie me demande juste de faire emballer le paquet dans un film plastique, ça me coûtera 10 rials baissés à 8 après avoir ralé (20€), c’est bien évidemment une arnaque puisque la fiche tarifaire est plafonnée à 6 rials mais ai-je le choix ?
Dernière mésaventure, j’ai pris avec moi la bouteille de combustible du réchaud (vidée et nettoyée), me disant qu’en cas de problème je pourrais expliquer ce que c’est plutôt que de voir le carton du vélo éventré. Je passe ma gourde en aluminium aux contrôles de sécurité sans problème, je passe ensuite la bouteille de combustible qui se trouve être simplement une gourde en aluminium avec un pictogramme de tête de mort. Panique générale ! Le chef de la police est averti, il ouvre la bouteille et renifle, le couperet tombe : non ça n’ira pas en cabine. Je demande pourquoi : « ce sont les règles ». Ah bon ? Des règles interdisent de transporter une bouteille avec une tête de mort imprimée dessus ? « Mmmhhh il y a eu de essence dedans, je ne sais pas, ça peut peut-être faire des vapeurs explosives ». Erf, heureusement que je ne lui ai pas parlé de l’essence qui s’était renversé sur mes mains 6 mois avant, il aurait peut-être demandé à ce que j’embarque amputé de ces terribles membres rendus explosifs ! Je suis finalement autorisé à charger la bouteille de combustible (vide, accompagnée de la gourde d’eau vide, comme ça pas de discrimination !) comme bagages en soute gratuitement, je dois juste les faire emballer dans un film plastique (et repasser à la caisse).
Je finis par embarquer, soulagé. Direction Mumbai puis Bangkok !
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