Récit de voyage : Monténégro et Albanie

du 30/07/2016 au 05/08/2016

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30 juillet, jour 38 : Gruda – Lastva Grbaljsta (66 km)

À l’approche de la frontière avec le Monténégro, j’aperçois une trèèèès longue file de véhicules qui attend alors que je suis encore à plus d’un kilomètre du poste. Good Guy Bilou fait la queue comme tout le monde, sans dépasser, de toute façon il n’y a certainement pas de file au poste frontière pour les piétons. Alors que je lis tranquillement (et que je rôtis sous le soleil), un autre voyageur à vélo s’arrête et on entame la discussion, sa compagne nous rejoint un peu plus tard. O.D et Wder (ce sont des surnoms, ils m’ont jugé incapable de retranscrire leurs noms !) sont Coréens et font un tour d’Europe en 6 mois, de Paris à Istanbul en passant par plein de pays différents, des Pays-Bas à l’Autriche en passant par la Bulgarie et le Monténégro. Je les suis et remonte toute la file jusqu’au poste de contrôle où l’on passe dans la file poids lourds qui est vide en ce samedi.

Nous passons la journée ensemble en suivant leur rythme. Ils se lèvent le matin à 5h et avancent jusqu’à 10-11h avant de faire une très longue pause aux heures les plus chaudes de la journée. Ils reprennent la route vers 16-17h pour s’arrêter à la tombée de la nuit. Pour comparaison, mon rythme est plutôt de me lever à 6h, rouler de 8h à midi et reprendre de 14h à 19h pour dîner et planter la tente tant qu’il fait jour.

Longue pause de midi au MonténégroAprès la longue pause du milieu de journée passée en bord de mer, nous reprenons la route vers 16h. Nous longeons les plages situées sur tout le pourtour d’un bras mer long de peut-être 40 km et qui est entouré de montagnes atteignant 1000m. Ça ressemble beaucoup à un fjord et ce bras de mer n’a pas à rougir devant d’autres vrais fjords. Cette route est super, il n’y a quasiment pas de voitures et slalomer entre les piétons s’avère amusant. Nous embarquons sur un bac effectuant une traversée au point le plus resserré du bras de mer, ça nous évite un détour de 20 km pour 10 min de bateau mais vu le décor l’alternative aurait été très sympa aussi !Fjord au Monténégro

Au bout du bras de mer, nous entrons dans les terres. Nous prenons un tunnel de 1.6 km pour nous éviter un petit col. Et ce tunnel aurait très pu nous faire croire qu’on allait en enfer… L’air est chargé en bons gaz d’échappement et donne une atmosphère brumeuse. Le système de ventilation, en plus d’être visiblement inefficace, fait un bruit assourdissant, comme si un train interminable passait à 5m devant vous. Ajoutons à ça des automobilistes qui semblent penser qu’un dépassement avec 10 cm d’écart est tout à fait sûr, ça donne un cauchemar éveillé pendant 5 bonnes minutes. De retour à l’extérieur, le trafic est dense. Il semblerait qu’il faille choisir entre routes faciles mais désagréables et routes difficiles et peut-être plus calmes.Bilou is cooking

31 juillet, jour 39 : Lastva Grbaljsta – Sukobin (85 km)

Levé à 5h du matin pour suivre le rythme de mes compagnons de route, ça pique mais pédaler au frais fait plaisir. Nous petit-déjeun ons à Budva, une station balnéaire de la côte encore très paisible à cette heure. Nous nous mettons ensuite en route le long de la côte. Comme il n’y a pas d’autre route possible, il y a beaucoup de trafic et je pense que ça altère la perception du pays. La côte est très découpée avec des falaises et des petites criques en contrebas. Nous avons la chance d’être à l’ombre des montagnes et des arbres la plupart du temps. Après avoir avancé d’une quarantaine de kilomètres, nous nous arrêtons sur une plage pour la grande pause de la mi-journée, de 10h30 à 15h30. Je nous prépare des oeufs durs cuits à l’eau de mer, c’est vraiment pas mal et ça fait varier les menus.La côte du Monténégro au petit matinMes amis coréensJe reprends la route tout seul parce que j’avance un peu plus vite que O.D. et Wder et nous n’allons pas exactement au même endroit. La route que je prends en fin d’après-midi est peu fréquentée bien qu’elle soit la plus directe vers le seul poste-frontière de la région. Ça change complètement l’expérience du pays visité, je vois enfin des vrais gens et pas seulement des pots d’échappement de voitures. Je commence à voir aussi les premières mosquées dans les villages en approchant de l’Albanie, pays majoritairement musulman.

Je m’arrête finalement juste avant la frontière où une longue file attend de pouvoir entrer en Albanie ; j’entendrai au loin le doux bruit des moteurs et des klaxons pendant une bonne partie de la nuit.

1er août, jour 40 : Sukobin – Kolç ((89 km)

Il n’est même pas 7h que la file pour passer la frontière est encore plus longue que la veille ! Je passe la frontière comme piéton, le policier vérifie mon passeport et me demande à regarder dans la même sacoche qui avait intrigué le policier italien 15 jours plus tôt, celle qui est ultra chiante à ranger… Mais à peine j’ouvre la sacoche qu’il s’en va et revient finalement 5 minutes plus tard me dire de passer. Toujours aussi bien menés ces contrôles.

En quelques mètres je vois plus de changement que durant les centaines de kilomètres précédents. Il y a partout des petites supérettes qui vendent des snacks, des boissons et d’autres produits de première nécessité : je ne manquerai de rien. Ça me fait penser aux 7-eleven qu’on trouve dans beaucoup de pays asiatiques, il y en a autant voire plus et le choix est ici plus varié. Je vois aussi des chariots chargés de foin et tirés par des chevaux ou encore des bergers déplaçant des troupeaux de vaches ou de chèvres sur la route. Les détritus sont jetés n’importe où, il n’est pas rare de trouver des montagnes de déchets abandonnés au milieu de nul part et les gens n’hésitent pas à jeter par terre tout ce qu’ils ont dans les mains. Je ne vois pas toutes ces choses dès le début mais bien dès ce premier jour.L'homme le plus classe du monde

Je trouve un robinet devant un petit magasin et me ravitaillé en eau. Je le fais presque automatiquement sans me demander si l’eau est potable. Je finirai par lire qu’elle ne l’est pas après avoir consommé 1L. D’expérience ça prend jusqu’à 48h pour savoir si j’ai enrichi ma flore intestinale, je ne pense pas qu’il y ait un risque de giardia ou  choléra…

Dans la grande ville de la région, Shkoder, la circulation est juste chaotique. Comme il n’y a pas de feux, à chaque intersection chaque véhicule veut se frayer un chemin quitte à rouler à contre-sens, ça donne des situations inextricables et des concerts de klaxons. Marrant à observer quelques minutes mais ça donne vite mal à la tête.

Je file trouver un réparateur de vélos pour ma béquille qui s’était détachée la veille. Il passera une bonne demi-heure pour faire sauter les vis à la tête cassée et refusera que je le paie mais en insistant il acceptera deux euros. Je retouche le réglage de la béquille pour qu’elle porte un peu moins le poids du vélo chargé et je touche du bois pour que ça tienne !

Au moment d’acheter le déjeuner, je ne trouve pas comment demander du pain, que ça soit en donnant le mot anglais (« bread ») ou en mimant… Finalement je trouve un morceau dans une sacoche pour faire comprendre ce que je cherche à la vendeuse. Apparemment il fallait parler italien (« pane »).

Le reste de la journée, je me dirige vers le sud sur du plat. J’essaie à plusieurs reprises de prendre des petites routes et éviter la circulation des routes nationales. Et ça finit souvent en cul de sac alors que la carte montre clairement une route qui continue ! D’autres tentatives pour sortir des sentiers battus me mènent littéralement sur des sentiers, dans les graviers, les cailloux, la terre… Au final j’aurai peut-être passé 30km à me perdre sur des routes inexistantes ou à lutter contre le terrain.Ville en Albanie

La nuit venue dans la tente, le sommeil est impossible à trouver à cause de la chaleur. Est-ce de la fièvre à cause du rhume ou à cause de l’eau non potable bue dans la matinée ?

2 août, jour 41 : Kolç – Farrkë (76 km)

Après une nuit de m*rde, je reprends ma route vers le sud. N’ayant pas appris la leçon de la veille, j’emprunte une route secondaire qui n’est pas bitumée. Aussi bien moi que les rares voitures devons slalomer entre les gros trous dans le sol sous peine de casser le matériel. J’avance même parfois plus vite que les voitures (13 km/h pour ma part, youhou !).

Route secondaire en AlbanieEn fin de matinée, je monte vers une mosquée pour y trouver de l’eau, je change de pignon pour pouvoir pédaler et… je casse la chaîne ! Première casse de ce genre mais ça arrive et j’ai l’outil pour retirer les maillons cassés. J’y passe une bonne heure par manque de pratique, ce n’est pas évident de relier deux maillons parce qu’il faut à la fois aligner les deux trous précisément et appliquer beaucoup de force pour placer l’axe dans les trous, tout cela accroupi au pied du vélo.

Ça laisse le temps aux gamins du coin de me voir à l’œuvre et venir me regarder. Ils l’aideront gentiment à ranger et nettoyer. Un des enfants prend les lingettes qui m’ont servi à nettoyer la chaîne et mes mains pleines de cambouis et le jette le plus normalement du monde au pied de la mosquée. Je lui dis qu’on doit jeter ça dans une poubelle sinon ça sera sale partout – même si en réalité c’était déjà sale partout. Je lui donne un sac pour qu’il mette les lingettes dedans. Il ira ensuite jeter le sac par terre un peu plus loin… Je crois qu’il n’y a pas d’espoir 🙁

En fin d’après-midi je passe par la capitale Tirana mais j’ai tout juste le temps de prendre quelques photos de la place centrale avant de repartir trouver un lieu pour y passer la nuit. Ça sera un champs à l’herbe bien épaisse et confortable et un peu de fraîcheur bienvenue.Église et mosquée à Tirana

3 août, jour 42 : Farkë – Librazhd (77 km)

J’emprunte encore une route secondaire, j’ai la foi. Bon cette fois c’est bitumé mais il manque carrément des morceaux à la route : un glissement de terrain a emporté la moitié de la route. Ça date parce que la route est barrée par des monticules de terre, ça empêche les voitures de passer mais pas les scooters ou les vélos, et des herbes ont eu le temps de germer et se développer. Il y a vraiment un problème de service public en Albanie.

Glissement de terrain

La route se séparent suite en deux : un tunnel interdit aux vélos qui reste à 400m d’altitude et une route normale qui monte sur la crête à 800m. Ça se fait tranquillement, c’est le premier des deux cols que je dois passer pour arriver en Grèce.Vallée d'Elbasan

Je redescends dans la vallée et déjeune au restaurant dans la ville d’Elbasan. Un sandwich coûte l’équivalent de 1€, pourquoi je m’embête encore à cuisiner ??

Je fais une longue pause jusqu’à 15h, j’ai bien avancé depuis plusieurs jours donc je n’ai plus besoin de faire de grosses journées. La suite de la journée me fait remonter une rivière en restant au fond de la vallée.

4 août, jour 43 : Librazhd – Pogradec (69 km)

Je continue à remonter la rivière mais le relief s’accentue un peu. Je fais ma pause de midi dans un square d’une petite ville où je deviens une rockstar pour tous les jeunes : des dizaines de « hello ! », des gamins qui viennent me regarder de près ou bien examiner mon vélo pendant 15 min.

Panneau 10%

Dans l’après-midi j’atteins enfin le col à 950m. Après la petite descente, je longe un grand lac d’altitude qui sépare l’Albanie de la Macédoine. Je passe la nuit dans la ville à la pointe sud du lac où il est aménagé comme un bord de mer.

Bord du lac à Pogradec

5 août, jour 44 : Pogradec – Krystallopigi (68 km)

Une grande montée pour commencer la journée (mais que je ne qualifierais pas de col) puis une traversée du plateau en altitude à travers des villages agricoles. Je vois énormément de chariots tirés par des mules ou des chevaux, on se croirait revenus quelques décennies dans le passé, en tous cas pour un citadin comme moi. Ça n’empêche pas les motos pétaradantes de me casser les oreilles pendant ma sieste du début d’apres-midi !

Mon vélo en Albanie

J’avance finalement jusqu’à la frontière grecque en fin de journée. La police des frontières s’intéresse particulièrement à mon cas puisque je suis retenu dans les bureaux pour un contrôle d’identité plus poussé, des questions personnelles et l’enregistrement de mes empreintes digitales, 45 minutes au total. À noter que je passe enfin la barre symbolique des 1000m d’altitude après un long faux plat montant près de la frontière. J’ai plusieurs fois approché ces 1000m sans les atteindre.

Je m’arrête au premier village venu où le gérant d’un café vient me donner le mot de passe d’un réseau wifi et me proposer de planter ma tente derrière son café, super sympa !

Première soirée en Grèce

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