Récit de voyage : Laos

du 18/12/2016 au 02/01/2017

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18 décembre, jour 179 : Frontière thaïlandaise – Vientiane (27 km)

J’avais lu que la circulation était vraiment pépère au Laos. Je le vois très vite : la vitesse est limitée à 60 km/h sur une route nationale en bon état et le plus surprenant est que tout le monde la respecte ! Je vise Vientiane, la capitale au bord du Mékong, où je pourrai me reposer et réfléchir à la suite du parcours. Le pays est plus pauvre et moins développé que la Thaïlande. Je devine qu’en dehors de la route principale, il faut affronter la piste de terre battue rouge. Sinon l’ambiance est similaire, plein de boutiques sur le bord de la route où l’on peut se vêtir, équiper sa maison et surtout, l’important pour moi, manger ! Les 7-eleven, ces petites supérettes où l’on peut acheter essentiellement des produits à consommer directement comme des gâteaux, des sandwichs ou des boissons, sont remplacés par une autre enseigne locale. On trouve aussi des petits commerces vendant boissons et produits très basiques mais le choix est extrêmement limité. Je vais avoir du mal à pique-niquer ou cuisiner, je mangerai essentiellement dans les petits boui-bouis sur le bord de la route.

Je rejoins Vientiane à l’heure du déjeuner. La ville est vraiment calme pour une capitale, elle ressemble à une ville asiatique moyenne. Les traces de la colonisation française se retrouvent par exemple dans les noms de rues (« Route Khouvieng ») ou sur les façades des ministères écrites en français. On trouve dans l’architecture de certains bâtiments le style colonial mais c’est ténu. Je passe la nuit en auberge pour récupérer de la nuit difficile.

L'Arc de Triomphe de la capitale
L’Arc de Triomphe de la capitale

19 décembre, jour 180 : Vientiane – Don Noun (28 km)

Je me décide à faire mon visa pour le Vietnam. J’ai hésité parce que ça me fait faire un détour assez important alors que j’aurais pu aller plein sud au Laos et me rendre directement au Cambodge, en plus le visa est cher (70$) et m’oblige à rester encore 1 ou 2 jours supplémentaires à Vientiane alors que je n’avance plus sérieusement depuis un mois. Juste avant de me diriger vers l’ambassade, je lis par hasard que le visa n’est plus nécessaire pour les Français depuis début 2015 pour un séjour de moins de 15 jours, je n’ai qu’à me présenter au poste frontière sans préparation préalable. C’est parfait : au sud du Laos je pourrai toujours décider d’aller au Vietnam ou au Cambodge si la motivation me manque, je n’ai rien à payer et je peux reprendre la route le jour-même !

Avant de repartir, je visite une exposition dans le centre venant en aide aux victimes de mutilations. Le Laos, encore aujourd’hui officiellement communiste comme ses voisins la Chine, le Vietnam et le Cambodge, a servi de base arrière pour les combattants communistes au Sud-Vietnam pendant la fameuse guerre dans les années 60-70. L’armée américaine a alors mené plus d’un demi-million de missions de démocratisation bombardement où furent utilisées des armes à sous-munitions. Cette jolie invention est larguée par un avion et disperse jusqu’à plusieurs centaines de petites bombes similaires à des grenades explosives. Un gros problème cependant : jusqu’à un tiers de ces sous-munitions n’explose pas comme prévu. Il est resté de l’ordre de 80 millions de ces sous-munitions sur le territoire laotien, établissant ainsi de loin le record du pays le plus miné. Ces engins ont fait des milliers de morts et de blessés souvent mutilés aux jambes. L’exposition parle de ce sujet et des efforts du centre pour soigner et prendre en charge les victimes, par exemple en fournissant des prothèses faites sur mesure pour remplacer les prothèses artisanales faites parfois d’une simple pièce de bambou. Ces armes restent employées encore de nos jours, par exemple en ex-Yougoslavie dans les années 90, en Afghanistan en 2001-2002, au Liban en 2006 et aujourd’hui en 2016 au Yémen. Elles sont interdites par un traité international mais les pays friands de ces engins peuvent tout simplement ne pas signer et les utiliser. Est-il utile de préciser que les victimes, après les conflits et souvent pendant, sont civiles et innocentes ?

Sur les berges du Mékong
Sur les berges du Mékong

Je prends la route en milieu d’après-midi avec pour objectif de m’éloigner assez de Vientiane pour passer la nuit tranquillement. J’y arrive et trouve un terrain dégagé avant le coucher du soleil. Après dîner dans un boui-boui à proximité, j’y retourne par nuit noire. Grosse appréhension lorsqu’il faut m’engager sur la piste dans le noir complet. J’imagine toute sorte de bestioles sympathiques que je risque de croiser : gros insectes, araignées, varans et surtout serpents. Camper pour la première fois dans un tel pays tropical n’est pas rassurant ! Heureusement je ne verrai rien de tout ça.

20 décembre, jour 181 : Don Noun – Thabok (80 km)

Selfie au réveil avec le chapeau local, il se révèle inutilisable à vélo :(
Selfie au réveil avec le chapeau local, il se révèle inutilisable à vélo 🙁

 

Je roule sur la route principale se dirigeant vers l’est puis le sud du pays. Elle suit grosso modo le Mékong et a un profil presque plat. La route est assez large pour permettre des dépassements confortables et j’ai l’impression que les conducteurs sont bien plus respectueux des deux-roues que dans les pays visités précédemment. Il faut dire que les petites motos sont une majorité et ne vont pas très vite.

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Je constate que même en dehors de la capitale, se nourrir est relativement coûteux. On parle d’un plat typiquement autour de 20000 kips soit environ 2.50€. C’est deux fois plus cher qu’en Thaïlande par exemple. Et les ingrédients pour cuisiner autre chose que du riz simple ou pique-niquer avec du pain tartiné sont introuvables. Même le riz n’est pas donné à 2€ le kg, le petit paquet de biscuits pour grignoter entre les repas est à 1€, je ne sais pas comment font les laotiens. Les voyageurs buvant seulement de l’eau en bouteille doivent prévoir un budget, dans mon cas ça serait 2€ par jour. Le pain baguette, héritage français oblige, était omniprésent à Vientiane mais je n’en trouve plus à présent. Je crois que je vais consommer pas mal de bananes ! Elles sont petites, environ 10 cm, mais bien plus goûteuses que celles importées en Europe.

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21 décembre, jour 182 : Thabok – Pak Kading (87 km)

Je continue de suivre le cours du Mékong vers l’est mais je ne vois que rarement la rivière.

C’est le deuxième jour de traitement à l’Atovaquone et au Proguanil pour lutter contre le paludisme (aussi appelé malaria). La marque la plus connue est le Malarone, très cher (30-40€ les 12 comprimés de mémoire), j’utilise plutôt la version générique disponible depuis peu et 5 fois moins chère. Le parasite est présent dans tout le pays sauf autour de la capitale. Il est véhiculé par les moustiques. Bien que nous soyons en saison sèche, réduisant le nombre de moustiques présents, et que le risque ne soit pas particulièrement élevé, je campe en dehors des villes et m’expose plus qu’un touriste normal. Le traitement consiste en un comprimé par jour pendant l’exposition puis continuer une semaine après avoir quitté la région impaludée. Dans mon cas, ça veut dire un bon mois de traitement jusqu’en Thaïlande où le parasite est pratiquement absent. C’est amusant puisque je longe le Mékong qui sépare ici la Thaïlande du Laos, c’est comme si les moustiques porteurs du parasite n’osaient pas traverser la frontière 😉

Énorme statue de Bouddha au loin
Énorme statue de Bouddha au loin

Je ne parlerais pas autant du traitement s’il n’avait pas d’effets secondaires. Et d’après la notice, il en a énormément ! Dans les effets fréquents : maux de tête, maux de ventre, nausées, vomissements, diarrhées, fièvre, vertiges, insomnies, perte d’appétit, dépression ! Plus rarement, des choses aussi sympathiques que le décollement de la peau du visage et des parties génitales ! Bon appétit. Dans mon cas, alors que je commence tout juste, j’ai juste le droit aux maux de tête fréquents aux maux de ventre passagés, à une légère insomnie et surtout l’impression de ne pas avoir d’énergie malgré tout ce que j’ingurgite, comme si la digestion était bridée. À suivre, ce manque d’énergie est peut-être indépendant du traitement, les effets indésirables pouvant aussi évoluer avec le temps. En tous cas, les distances que j’arrive à faire, 80 km et plus, me demandent plus d’efforts que les semaines précédentes alors que le terrain est favorable et le vent nul.

22 décembre, jour 183 : Pak Kading – Khoun Ngeun (83 km)

Je continue à suivre le Mékong encore une partie de la journée. De grandes rivières affluent et gonfle le cours d’eau régulièrement. En milieu d’après-midi, je quitte l’axe principal pour entrer dans les terres et m’approcher des montagnes. Je vise une immense grotte ouverte à la visite, j’y serai le lendemain. Les montagnes d’abord banales prennent des formes spectaculaires en progressant. Je m’arrête au pied d’un petit col et, avec la permission du moine local, j’installe ma tente à proximité du petit temple bouddhiste.

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Un affluent du Mékong
Terrain récemment déboisé
Terrain récemment déboisé

Au cours de la journée, je longe des parcelles de forêt en cours de défrichage pour en faire des champs ou des cultures d’hévéa, l’arbre donnant le caoutchouc naturel. Je croise le long de la route un certain nombre de chèvres et de vaches vivant leur vie paisiblement… sauf quand les chèvres décident de gambader avec leurs petits. Dans l’après-midi, alors que je laisse passer un petit troupeau de vaches, un automobiliste arrive en sens inverse, freine mais se laisse rouler jusqu’à percuter la dernière vache qui finissait de traverser… Attendre 2 secondes de plus aurait sans doute courroucé le Grand Dieu Moteur ! C’est quoi la prochaine étape ? Faucher un cycliste ?

Les montagnes ne sont plus très loin
Les montagnes ne sont plus très loin
Formations karstiques ?
Formations karstiques ?

23 décembre, jour 184 : Visite de la grotte de Konglor (23 km)

Je passe le petit col à 480m d’altitude en tout début de journée. Au sommet, un point de vue permet d’admirer la forêt tropicale et les pics rocheux karstiques. Au bout de la descente, je laisse mon vélo dans une guesthouse et attend le bus pour rejoindre la grotte à 40 km de là. La route étant en cul-de-sac, je n’ai pas le courage de rouler ces 40 km aller puis retour. Après deux heures d’attente, c’est finalement un pickup aménagé qui m’emmène à la grotte. Sur tout le chemin, nous roulons au fond de la vallée plate entourés de massifs karstiques impressionnants. C’est au pied d’un de ces massifs, au bout de la vallée, que la rivière s’enfonce sous les centaines de mètres de roche et creuse son chemin de part en part. La grotte à visiter est en réalité le tunnel de la rivière souterraine qui retrouve l’air libre 7 kilomètres plus loin.

Pour la visite de la grotte, je fais la rencontre de Holly et Jordan, un couple d’Américains en congé sabbatique eux aussi dans cette région du monde. La grotte est accessible seulement par bateau. Ses dimensions sont gigantesques, la longueur est de 7 km comme je l’ai dit, la largeur dépasse sans doute les 100 mètres à certains endroits et presque autant en hauteur. On pourrait y faire entrer une cathédrale et avoir encore de la place. L’obscurité est totale et les lampes torches éclairent juste assez pour imaginer la taille de la cavité. Les photos dans ces conditions sont impossibles sans un trépied et une très longue exposition donc je n’en propose pas 🙁

Les éclairages artificiels à cet endroit permettent une photo en intérieur
Les éclairages artificiels à cet endroit permettent une photo en intérieur
La rivière après la traversée de la grotte
La rivière après la traversée de la grotte
C'est ce qui s'appelle"le bout du tunnel" ;)
C’est ce qui s’appelle « voir le bout du tunnel » 😉

Après la visite, il est déjà temps de rentrer récupérer le vélo. Je refais donc l’ascension du petit col en sens inverse. Au sommet, le point s’offre sous la lumière plus douce et agréable du soleil couchant. Je retourne enfin au petit temple bouddhiste réinstaller ma tente au même endroit. En mon absence, une micro fête foraine avec un manège et deux stands de lancer de fléchettes se sont installés. Je m’essaie bien aux fléchettes, avec l’objectif de crever trois ballons pour gagner une peluche Pikachu mais je manque de réussite en plantant mes fléchettes pile entre les ballons, le truc improbable qui a une chance sur 100 d’arriver. Je ne suis pas fait pour ça…

Le soleil ne va pas tarder à se coucher sur la forêt
Le soleil ne va pas tarder à se coucher sur la forêt

24 décembre, jour 185 : Khoun Ngeun – Hinboun (90 km)

Je repars vers le sud et… il ne se passe pas grand chose de la journée, les bouts de forêt et les champs défilent, les collines s’enchainent.

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Je finis la journée en installant ma tente à côté d’un temple bouddhiste encore. Un jeune moine vêtu de son drap orange vif se passionne pour le plantage de piquets et le confort intérieur. J’aurais aimé pouvoir discuter mais j’ai déjà du mal à midi à faire comprendre que je veux manger du riz alors entamer une discussion est peine perdue.

C’est le réveillon de Noël mais ici au Laos aucun signe. Et dans ma tête, c’est comme si on était encore à l’été 2016, ma perception du temps est complètement chamboulée. Alors pour marquer le coup, je vais quand même me faire exploser la panse au restaurant pour changer de l’ordinaire riz sous la tente !

25 décembre, jour 186 : Hinboun – Nong Bok (95 km)

Le temple à côté duquel j'ai passé la nuit
Le temple à côté duquel j’ai passé la nuit

26 décembre, jour 187 : Nong Bok – Savannakhet (96 km)

La route est très monotone. Je n’aperçois plus les montagnes à l’est ni le Mékong à l’ouest. Il n’y a plus que des arbres, des étangs, des prés et des collines. Les hameaux et les villages se succèdent régulièrement tous les quelques kilomètres. Je ne suis jamais milieu de nul part. De toute façon, même les villes ne sont que de grands villages au Laos, il n’y a pas de grands immeubles, tout au plus des bâtiments de 3/4 étages avec au rez-de-chaussée les mêmes boutiques que partout ailleurs, des garagistes, des vendeurs de matériel de bricolage, des fruits et légumes, de l’alimentation, parfois des temples ou des écoles. Quand je passe devant les écoles et que les enfants sont en extérieur, j’ai alors le droit à des dizaines d’encouragements ! Je les salue de la main, parfois je suis même accompagné, ou plutôt poursuivi sur quelques mètres par de jeunes cyclistes.

Il n'y a pas de fumée sans feu...
Il n’y a pas de fumée sans feu…

Le solstice d’hiver est passé depuis quelques jours, les journées vont maintenant s’allonger dans l’hémisphère nord. Pourtant à ces latitudes, sous les tropiques, la durée de jour ne variera pas tant que ça. Ce n’est plus tout à fait comme en Iran où, à la fin, je devais installer le camp à 17h mais ce n’est pas franchement différent, j’ai peut-être 45 minutes de plus pour profiter de la lumière. Et quand vient la nuit, le ciel se constelle de centaines ou de milliers d’étoiles. L’absence de villes et le peu d’éclairage public garde le ciel bien sombre. L’étoile polaire qui, à mon départ de France, était à mi-chemin entre l’horizon et le zénith est descendue peu à peu et se retrouve maintenant bien basse dans le ciel, parfois même cachée par le paysage. Encore une conséquence de la latitude subtropicale ! Il faut que j’en profite, bientôt je ne pourrai plus du tout la voir !

27 décembre, jour 188 : Savannakhet – Lak Honsi (97 km)

Toujours le même cadre mais cette fois sous les nuages ! Alors qu’il faisait plutôt chaud sous le soleil et bon à l’ombre, le ciel couvert et le vent rendent l’air plutôt frais et je vois même certains conducteurs de scooter en doudoune. Avec l’effort que je fournis, ça ne me gêne pas. Le vent par contre est une source d’ennui ! Il souffle vers le sud-ouest alors que je me dirige vers le sud-est, il est donc plutôt défavorable ou de travers et déstabilise ma direction.

La transmission du vélo, remplacée à Bangkok, se comporte bien, les bruits de frottement de la chaine sur le dérailleur arrière usé ont disparu. L’étagement des vitesses a changé et ce n’est finalement pas pour me déplaire. Au départ j’avais 3 plateaux à 26/36/48 dents et 9 pignons de 11 à 32 dents. J’avais donc une démultiplication minimale de 26/36 = 0.8125 , c’est-à-dire que 1 tour de pédalier faisait faire 0.8125 tour à la roue arrière, bien pratique pour grimper en montagne. Et au maximum, j’avais 48/11 = 4.36 (tours de roue pour 1 tour de pédalier). Sauf que je n’utilisais en réalité jamais ce rapport, je ne peux pas monter à plus de 40 km/h à la seule force de mes jambes ; j’atteins cette vitesse en descente en me laissant aller. J’ai changé les plateaux et les pignons à Bangkok, je n’ai pas eu le choix des pièces si je voulais que le remplacement soit fait rapidement. Je suis donc maintenant en 24/32/42 dents pour les plateaux et 11 à 30 dents pour les pignons. J’ai moins d’amplitude (0.80 à 3.82) mais je gagne un pouième sur le minimum utile en montagne et les rapports intermédiaires, les plus utilisés, sont plus proches. J’essaie d’utiliser différents rapports en évitant de rouler en permanence sur les mêmes plateaux et pignons. L’usure sera mieux répartie qu’auparavant où j’utilisais essentiellement le pignon central et qui avait fini par être bien plus use que ses copains. Attention tout de même à ne pas trop croiser la chaine en choisissant le plateau le plus à gauche avec le pignon le plus à droite ou inversement… Sauf catastrophe, j’espère que ça tiendra le coup jusqu’à la fin du voyage !

Étang autour duquel je passe la nuit
Étang autour duquel je passe la nuit

Côté traitement antipaludéen, depuis quelques jours je ne ressens presque plus les effets secondaires du début (mal de tête, de ventre, nausées). Jusqu’à… jusqu’au début de soirée sous la tente. Je suis soudain, en quelques minutes, accablé comme jamais, sentant que je n’arriverai jamais au bout des objectifs que je me suis donné. C’est accompagné d’une fièvre et d’une perte d’appétit qui me fait jeter la moitié de mon repas par dégout. Et puis après 1h30 (et un peu de paracétamol pour la fièvre), tout revient à la normale, le moral revient et la fièvre disparait. Dans les effets secondaires, il est écrit « dépression fréquente ». Il semble que j’ai le droit à tous les effets secondaires successivement pendant une heure ou deux. J’attends avec impatience les décollements de la peau ; c’est vraiment de la joie à l’état pur ce traitement !

28 décembre, jour 189 : Lak Honsi – Pakse (95 km)

Ma route s’éloigne du Mékong, des petites montagnes nous séparent maintenant. Le vent est très favorable, surtout dans l’après-midi, me permettant de filer entre 25 et 30 km/h sur le plat.

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29 décembre, jour 190 : Paksé – Champassak (83 km)

J’atteins assez vite la ville de Paksé, je suis censé bifurquer vers l’est en direction du Vietnam mais je traverse le Mékong. C’est un des rares ponts enjambant le fleuve qui fait ici plus de 1200m de large.

Le Mékong s'élargit alors que la mer est encore très loin !
Le Mékong s’élargit alors que la mer est encore très loin

Je pars vers le sud vers un site historique, Vat Phou (orthographié aussi Wat Phu). C’est une cité fondée sans doute au 4ème siècle de l’ère commune mais les ruines visibles datent plutôt du 10ème siècle, à l’époque de l’Empire Khmer. Elle a connu son apogée à la même époque que la célèbre Angkor, une route reliait les deux cités distantes de 300 km. Je visite la cité pendant une partie de l’après-midi avant de rebrousser chemin vers le nord.

Les hauteurs de la cité
Les hauteurs de la cité
Vue depuis les hauteurs, on voit les deux retenues d'eau pour alimenter la cité
Vue depuis les hauteurs, on voit les deux retenues d’eau pour alimenter la cité
Les falaises au pmus haut de la cité
Les falaises au plus haut de la cité
L'escalier pour monter sur les hauteurs
L’escalier pour monter sur les hauteurs

30 décembre, jour 191 : Champassak – Tad Gneuang (71 km)

Nuit passée au bord du Mékong
Nuit passée au bord du Mékong

Je prévois de rouler 200 km en deux jours pour atteindre une ville où passer le réveillon. Je continue de rebrousser le chemin qui m’avait emmené à Vat Phou, je retraverse le Mékong comme la veille et je prends la route de l’est. Je sens bien vite que j’aurai du mal à remplir mon objectif de 100 kilomètres : la route monte longuement de 100 mètres à 1200 mètres. En plus le trafic est relativement important, c’est long et difficile… Pour couronner le tout, je fais tomber mon smartphone depuis le guidon du vélo et la vitre côté écran se brise en morceaux. Ça m’apprendra à enlever la coque. Il reste heureusement utilisable en attendant de pouvoir le remplacer. C’est l’outil indispensable qui me sert de carte, de moyen de communication orale et écrite (pour rédiger dur le blog) et pour me distraire pendant les pauses, le soir sous la tente et sur le vélo pour la musique.

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Il ne manque plus que le Pastis ;)
Il ne manque plus que le Pastis 😉

En fin d’après-midi, je croise un couple de cyclos Français, Élise et Nicolas (blog), et fait rare, nous allons dans la même direction ! Leur voyage dure 6 mois et les emmène du Kirghizistan en Birmanie, en passant par la Chine et la péninsule d’Indochine. Nous roulons quelques kilomètres ensemble avant de nous arrêter dans un temple pour bivouaquer. Nous terminerons l’ascension le lendemain et tant pis pour mon objectif, c’est bien plus sympa de passer la soirée avec d’autres voyageurs partageant une expérience similaire que de pédaler seul comme un dingue.

31 décembre, jour 192 : Tad Gneuang – Donchan (101 km)

Nous prenons notre temps le matin, en tout cas par rapport à mes habitudes, avant de reprendre la route et terminer l’ascension. Malheureusement nos chemins se séparent au sommet, mes compagnons font une petite boucle au sud du Laos avant de rejoindre le Cambodge alors que je fais une grande boucle via le Vietnam avant le Cambodge.

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Le gang des cyclos

Je m’engage dans la traversée du haut plateau. Je pensais devoir rouler une soixantaine de kilomètres sur de la piste mais je trouve une route goudronnée. La végétation en altitude est différente de celle de la vallée, avec par exemple des pins. Le ciel couvert laisse tomber quelques gouttes, j’arrive à m’abriter pour éviter le gros des averses. Enfiler les vêtements de pluie m’aurait noyé de l’intérieur avec la chaleur. Le coin est très isolé, hormis quelques maisons, je ne croise aucun village sur des dizaines de kilomètres. La route finit par redescendre du plateau et croise une route de plus grande importance où je retrouve enfin un peu de civilisation. Il se fait tard, ça aurait été dommage de passer le réveillon au milieu de rien sans eau !

Solitude...
Solitude…

Je pousse jusqu’à un village au pied d’un barrage hydroélectrique. Le responsable du centre de soins d’urgence du barrage me propose d’occuper le bâtiment avec à ma disposition un lit et une douche. Il me cuisine même un dîner chez lui, en face du centre ! Je passerai finalement la soirée du nouvel an avec son fils et ses amis. Malheureusement je ne peux plus tenir debout après une très grosse journée de vélo, je me couche avant l’heure fatidique 😉

1er janvier 2017, jour 193 : Donchan – Trou perdu au milieu de rien (81 km)

Alors que je mange mon petit-déjeuner devant une épicerie, un faucon se pose au sol et commence à pousser des cris. La gérante de l’épicerie accourt et donne à l’animal de petits morceaux de viande. Le faucon reste au sol à pousser et finit par entrer dans l’épicerie comme s’il était chez lui. Scène curieuse d’un faucon probablement apprivoisé qui n’a étonné personne d’autre que moi.

Wut ?
Wut ?

Sur les coups de midi, j’atteins la ville d’Attapeu. Je comptais voir les smartphones dans les boutiques spécialisées pour remplacer mon appareil à l’écran brisé. On retrouve des marques internationales comme des marques plus régionales comme Oppo. Surprise, les prix ne sont pas du tout intéressants, un téléphone disponible à 200€ en France se trouve ici à plus de 300€. Et malgré le niveau de vie bas du pays, je vois souvent des gens avec des appareils de milieu ou même de haut de gamme. J’attendrai de voir au Vietnam voire en Thaïlande où le choix sera supérieur.

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Après Attapeu, je poursuis ma route vers l’est avec en ligne de mire la frontière vietnamienne. La région est vide, nul village ou presque. Je fais le plein d’eau à temps avant de ne plus rencontrer de station service. Je finis la journée dans un coin complètement perdu. Il y a bien un lac artificiel et quelques restaurants mais pas de village, pas de nom de lieu.

2 janvier, jour 194 : Trou perdu au milieu de rien – Frontière Vietnamienne (75 km)

C’est parti pour le défi laotien final. Trois cols, individuellement pas redoutables mais pris ensemble dans la même journée, ça devient un gros morceau de 1400 mètres au total. Et si l’on ajoute la chaleur et surtout l’humidité, cette étape figure parmi les plus difficiles du voyage. J’entame donc la matinée par le premier col de 250 m à jeun pour avoir un aperçu du reste de la journée. La fraicheur matinale rend la grimpette supportable. Je prends le petit déjeuner dans un village sur l’autre versant du col.

Forêt tropicale impénétrable
Forêt tropicale impénétrable

J’affronte ensuite moultes collines qui ne comptent pas dans le dénivelé que j’ai donné plus haut. C’est ensuite une montée de 600 m dans une humidité infernale, mes vêtements sont presque entièrement trempés. Il n’y a rien ni personne, rien d’autre que la forêt, dense et impénétrable. Cette région était particulièrement visée par les bombardements avec des sous-munitions parce qu’elle était utilisée pour passer du Nord-Vietnam au Sud-Vietnam. Arrivé au sommet, je dois encore parcourir 20 km pour rejoindre le village suivant et pouvoir déjeuner.

Bientôt le bout du tunnel
Bientôt le bout du tunnel

J’y arrive lessivé mais le délicieux repas me revigore. Suffisamment pour repartir d’attaque pour le col final avec 550 m de dénivelé. Comme pour me narguer, pour me montrer avec quelle lenteur j’avance, les bornes kilométriques égrènent, une à une, la distance qui me sépare du Vietnam et donc du haut du col. J’y arrive finalement alors que le soleil ne va pas tarder à se coucher. Mes vêtements sont trempés de sueur comme si j’étais tombé à l’eau. Je ne me risque pas à traverser la frontière si tard. Je déguste plutôt un paquet de chips au miel avec le plaisir d’avoir réussi un gros défi (rigolez pas pour les chips, on fait avec ce qu’on a !).

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