du 12/10/2016 au 26/11/2016
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22 octobre, jour 122 : Aqcheh Kharabeh – Sangestan (55 km)
J’arrive dans la grande ville de Hamedan dans la matinée avec pas mal de choses à faire. Je trouve tout d’abord la rue des boutiques de vélo, parce qu’il y a effectivement une rue avec quasiment que des vendeurs ou des réparateurs de vélo et/ou de moto. J’achète un dérive-chaîne pour pouvoir réparer ma chaîne cassée depuis 10 jours, ainsi que des patins de frein. Je cherche ensuite des piquets de tente, j’en ai déjà cassé 2 et ça serait bête d’en manquer. Ayant peu de chance d’en trouver même dans le grand bazar, je me rabats sur des énormes clous qui devraient faire le boulot. Je me ravitaille ensuite en nourriture, ayant marre des pâtes sauce tomate, je diversifie avec du riz, des lentilles et ce que le vendeur dit être du boulgour (proche de la semoule) mais je trouve le grain un peu gros, je verrai bien. Je trouve aussi des fruits secs pour mélanger au boulgour, avec de l’huile d’olive c’est vraiment pas mal et simple à préparer sous la tente.
Pendant le déjeuner au resto, je passe un long moment à m’occuper du blog. Si je rédige quotidiennement le texte, je dois parfois faire un peu de recherche pour ne pas raconter de bêtises historiques par exemple. Je dois aussi charger les photos, mettre en forme le texte, créer les liens, et pour toutes ces choses j’ai besoin de temps sur smartphone et surtout d’un accès à internet décent. En Iran, ça veut dire être en ville pour être en 3G ou 4G sinon c’est pas la peine !
Ça ne me laisse pas beaucoup de temps pour échanger mes euros (possible seulement dans les grandes villes, la dernière était Tabriz où les bureaux de change étaient fermés le vendredi) et enfin pour visiter un peu la ville. Une grande zone archéologique de 35 hectares a été créée près du centre ville pour préserver les ruines de la ville antique et permettre des fouilles. La ville aurait été fondée il y a plus de 3000 ans sur une importante route commerciale reliant Babylone au reste de la Perse. Elle a été une des capitales de l’Empire Perse à son apogée autour de -500. Dans le musée du site archéologique, on trouve des inscriptions en cunéiforme rendant honneur aux rois Darius Ier et Xerxès Ier, ce dernier étant le « méchant » du film « 300 » (qui a dit propagande ?).
On trouve également dans la ville des mausolées importants abritant les tombes de grandes poètes perses ou même de figures de la Bible. Je n’ai malheureusement pas le temps de visiter l’intérieur des mausolées, je me contente du parc autour. Il est déjà bien tard et je dois m’éloigner de la ville pour trouver un lieu tranquille où passer la nuit.
23 octobre, jour 123 : Sangestan – Komijan (94 km)
Un peu de relief en début de journée puis j’arrive sur une plaine agricole très plate. Je passe par des villages où des anciennes habitations abandonnées ressemblent à s’y méprendre à des ruines présentées ailleurs comme datant de l’Antiquité. Des murs érodés faits de pierres grossières liés entre elle par une sorte de ciment et couvertes d’un enduit disparu à certains endroits. Le toit peut-être en bois et en paille n’a pas survécu aux années. Des poutres en bois dans les murs encore dans un état correct trahissent une ancienneté relative ; je ne sais pas combien de temps peut tenir du bois dans un climat sec mais probablement pas plus de quelques siècles.
On trouve assez souvent des murs, de bâtiments publics comme des écoles souvent, peints de paysages idylliques, d’animaux, de fleurs ou simplement de motifs. Ça embellit ce qui serait autrement bêtement un mur de couleur unie.
En fin de journée, je suis contrôlé par des policiers. Ils doivent avoir du flair parce qu’ils ont deviné que j’étais un touriste peut-être pas en règle malgré mon attirail très discret qui n’éveille jamais la moindre curiosité (ironie). Le chef m’interroge sur mon parcours et surtout note sur son carnet mes étapes. Un admirateur de plus.
24 octobre, jour 124 : Komijan – Naderabad (91 km)
La journée calamiteuse. Rien de particulier côté parcours et environnement, c’est comme les jours précédents, essentiellement plat.
À midi, après avoir acheté mon déjeuner, je vois un type traîner autour de mon vélo. C’est un policier en civil qui s’ennuie et qui veut me contrôler (à croire qu’ils me traquent). Ils sont rapidement 4 policiers et 2 voitures pour mener cette opération d’envergure. Le chef, celui en civil, m’interroge sur mon parcours et prend des notes sur un bout de papier. C’est peut-être aussi un admirateur. Tout est en règle, j’ai finalement le privilège de me faire escorter par une voiture de police jusqu’à un parc pour manger tranquillement.
En fin d’après-midi je m’engage sur une petite route que je pensais plus directe que la route principale. À l’entrée d’un village, deux jeunes en moto crotte m’arrêtent, on échange quelques mots, ils prennent un selfie de nous trois et puis je leur au revoir, il fait bientôt nuit et j’aimerais bien trouver un endroit correct pour dormir. Ils me rattrapent et vont me harceler pendant 5 bons kilomètres, en roulant très près, en posant 1000 fois la même question en farsi, en touchant à mon guidon pendant que je roule… Ça finit par m’exaspérer car malgré mes demandes de me laisser tranquille, ils ne me lâchent pas et je n’ai pas envie d’installer ma tente avec ces deux là dans les parages. Ils finissent par me dépasser par la droite en attrapant mon lecteur MP3 accroche à la ceinture et en arrachant le câble des écouteurs. Et courageux comme ils sont, ils partent fuir dans les champs. Inutile d’essayer de les rattraper, je risquerais en plus d’être complètement isolé à leur merci. Je crains même qu’ils aient l’idée de continuer à me suivre et me pourrir la vie pour le reste de la soirée. J’installe finalement mon camp entre des arbres à l’abri et fait le deuil du matériel volé et détérioré…
Mais ce n’est pas fini ! La police iranienne, visiblement passée maitre dans la stratégie du harcèlement, débarque en pleine nuit à 2h43. À croire qu’ils se sont passé le mot à propos d’un cycliste français et qu’ils veulent tous me rencontrer. Pleins phares sur ma tente, coups de klaxons et sirène pour me réveiller. Ils me font signe de sortir, je refuse : il fait froid et je suis déshabillé. Ils n’ont qu’à sortir de leur carrosse s’ils y tiennent tant. Comme d’habitude, tout est en règle, ça valait bien le coup de me contrôler en pleine nuit pour la 3ème fois en 36 heures. Et ils sont désolés pour le vol subi un peu plus tôt, ça me fait une belle jambe.
25 octobre, jour 125 : Naderabad – Salafchegan (77 km)
Après les évènements de la veille et de la nuit, la motivation est au plus bas mais je dois les laisser derrière moi et continuer. Le parcours du matin est comme les jours précédents, rien de mémorable. À la pause de midi, après avoir mangé sur une aire de repos, l’homme travaillant dans le restaurant à proximité m’invite à boire un thé dans son établissement. Il parle un peu anglais, c’est une des rares occasions de discuter. Il s’appelle Farzad, marié, 28 ans mais sans enfants car il n’a pas les moyens financiers. En plus des dépenses pour la nourriture, l’habillement, etc, l’école n’est pas gratuite. Les jeunes en Iran font souvent des études supérieures mais il n’y a pas forcément de travail pour tous les jeunes et Farzad travaille par exemple dans le restaurant de son père. Il voudrait pouvoir s’installer en Autriche pour un meilleur avenir mais c’est compliqué. Il me propose de prendre une douche, ce que j’accepte volontiers ! Il refusera même que je paie mon thé.
Je reprends la route avec un fort vent, d’abord de travers puis de face lorsque l’orientation de la route change. J’avance difficilement jusqu’à rejoindre la grande route nationale se dirigeant vers Qom. Et là, je n’ai même pas envie de m’étendre sur le sujet malgré tout ce que j’aurais à dire sur le comportement criminel des camionneurs. En résumé, ils se croient permis de me rouler dessus et de m’assassiner pour éviter d’appuyer sur le frein. Marre de ce pays de tarés.
Je finis la journée dans un champs de cailloux qui a un petit côté planète Mars. Je ne vois pas pourquoi certains rêvent d’aller là-bas, ils pourraient vivre la même chose en Iran ! Je dégage le sol comme jamais jusqu’à maintenant pour avoir un sol régulier sans pierres qui pourraient abimer la tente ou le matelas. J’ai beau m’être éloigné de la route et m’être abrité derrière une petite colline, le bruit lointain des camions me parvient quand même.
26 octobre, jour 126 : Salafchegan – Qom (62 km)
J’arrive dans la grande ville de Qom en fin de matinée. C’est une ville sainte abritant le mausolée de Fatima (…) et une grande partie de activité s’articule autour du centre religieux. Je cherche tout d’abord un parc pour déjeuner à peu près au calme, il y en a très peu contrairement aux autres grandes villes iraniennes. A peine entré, je suis sur le point d’être viré au prétexte que je ne suis pas marié. En faisant le touriste un peu simplet voulant juste manger son bout de pain, je suis autorisé à drag… à déjeuner dans le parc. Achievement done !
Je visite un peu dans l’après-midi, d’abord en me perdant autour d’une mosquée dotée d’une immense salle de prière au style épuré ; elle n’est ouverte au public que pour la prière du vendredi, ce qui explique les dimensions de la salle, au pif je dirais qu’elle peut accueillir 5000 personnes.
Je me rends ensuite à la mosquée Azam et au mausolée de Fatima où des millions de pèlerins viennent chaque année. Avec mon look de touriste, je me fais interpeller à l’entrée, apparemment il faut que je sois autorisé par le bureau des affaires internationales ! 10 minutes plus tard, je peux entrer escorté par un gardien qui m’amène dans une grande cour très richement décorée. Je suis laissé en compagnie d’un cheikh et de deux touristes allemands pour une visite, je me dis alors que c’est génial leur service VIP visite privée en anglais top moumoute. En fait non, le cheikh se contente de nous diriger vers la sortie en veillant à ce qu’on ne s’égare pas. Les touristes sont visiblement les bienvenus mais pas trop quand même. Je n’aurai donc vu que la grande cour intérieure, sans pouvoir visiter l’ensemble du site de plusieurs hectares, ni entrer dans les bâtiments.
Un peu plus loin, de l’autre côté du lieu saint, se trouve une grande zone piétonne carrelée de marbre blanc. C’est la classe mais le vélo glisse et je manque de chuter lamentablement. On y trouve tous les marchands du temple vendant des souvenirs et des biscuits locaux. Il y a un petit musée pas cher à visiter présentant les arts iraniens : broderie, tapisserie, poterie, peintures sur toile et céramique, armes et armures… On y trouve notamment de très vieux livres du Coran remontant jusqu’au 8ème siècle. C’est fascinant d’être face à un livre ayant plus de 1000 ans et toujours dans un bon état de conservation. Le style d’écriture a évolué depuis, j’ai l’impression que les lettres étaient aussi moins attachées qu’aujourd’hui, mais je pense qu’un lecteur de l’arabe n’aurait pas beaucoup de mal à pouvoir les lire. On peut trouver des choses plus surprenantes dans ce musée comme des coquillages, des créatures marines comme des crabes ou un requin, et des médailles de sportifs iraniens.
Je reprends la route en fin de journée pour m’éloigner un peu de la ville et installer mon camp avant la tombée de la nuit.
27 octobre, jour 127 : Qom – Mashkat (75 km)
Je reviens un peu en arrière pour visiter un autre lieu de pèlerinage chiite, la Mosquée de Jamkaran. Le lieu est sacré depuis l’an 984 quand l’imam Al-Mahdi serait apparu à cet endroit en demandant à ce que les champs cessent d’être cultivés pour y ériger une mosquée. Le retour de cet imam annoncera la fin des temps. Le site n’est devenu un lieu de pèlerinage important que depuis la fin du 20ème siècle. La mosquée de style typiquement iranien a des faux airs de Taj Mahal en plus coloré. L’immense esplanade est en marbre blanc. Un puits, dont je n’ai appris l’existence qu’après ma visite, permet de laisser des messages requérant l’aide de l’imam Al-Mahdi pour toutes sortes de problèmes. Les pèlerins, certainement les moins fortunés, peuvent installer leur tente autour du site pour y passer la nuit au lieu de séjourner dans les hôtels.
Côté parcours, je me dirige vers le sud-est en direction de la ville de Kashan. Il y a une route nationale et une autoroute, je reste sur la nationale où le trafic est du coup supportable. Je roule sur le bas-côté goudronné donc ça se passe bien. Depuis les abords de Qom, le paysage est essentiellement caillouteux et plat, il n’y a que peu de champs. Rien de passionnant donc.
28 octobre, jour 128 : Mashkat – Kashan (72 km)
Je continue d’avancer dans un paysage plat et désertique jusqu’à mon arrivée dans la ville de Kashan. C’est malheureusement vendredi, j’aurais bien aimé manger au resto mais je n’en trouve pas d’ouvert. J’ai prévu quelques visites dans la ville mais mon après-midi est écourtée par une sieste sur la pelouse à l’ombre, après le déjeuner. C’est agréable mais les journées sont maintenant vraiment courtes.
Je visite la maison des Tabatabaei, une riche famille de marchands de tapis qui s’est fait construire une superbe demeure au milieu du 19ème siècle. On trouve dans Kashan d’autres maisons encore anciennes et ouvertes aux visites, il y a aussi pas mal de ruines de vieilles habitations datant peut-être de plusieurs siècles. Ici la modernité n’a pas effacé toutes les traces du passé.
Je me dirige ensuite à l’ouest de la ville pour visiter un jardin mais vu l’heure et le prix de l’entrée, je m’abstiens de devoir courir dans le jardin, tout en stressant pour mon vélo et mes affaires restés à l’extérieur. Je m’éloigne de la ville pour trouver un lieu où passer la nuit. Je n’ai pas vraiment d’autre choix que d’emprunter l’autoroute qui s’avère… bien plus sécurisante que les routes habituelles. Je peux rouler sur la large bande d’arrêt d’urgence sans craindre des dépassements dangereux. Après une dizaine de kilomètres à ce régime, je dois prendre une route inaccessible depuis mon sens de circulation et il est bien sûr hors de question d’escalader le terre-plein central avec mon vélo. Je passe donc à travers champs et rigoles d’irrigation ! Je finis par m’installer sur une étendue de terre caillouteuse à l’écart de la ville.
29 octobre, jour 129 : Kashan – Natanz (93 km)
30 octobre, jour 130 : Natanz – Merchehkhort (92 km)
Trop c’est trop. Dans la matinée, un camionneur considère que je n’ai pas le droit de rouler et puis de toute façon ma vie ne vaut rien. Comme il ne peut pas dépasser à cause de la voiture venant en face, il décide de me foncer dessus, je me jette dans le bas côté et j’érige mon majeur à son intention. Il n’était finalement pas si pressé, il s’arrête et on s’insulte mutuellement. Je repars et il me fonce dessus une nouvelle fois, malgré la route déserte, il sort même de la route pour être sûr de bien me faucher. Le rétroviseur me sauve peut-être la vie pour la deuxième fois en 3 minutes.
Donc voilà, j’arrête ici le récit de ce pays de [… paragraphe insultant effacé …].
J’arrête là mon récit par colère et par dégoût, je n’ai plus le coeur à visiter le pays et à faire les efforts nécessaires, les centaines de kilomètres pour rejoindre un lieu et tous les risques que ça entraîne. Après une pause à Esfahan avec des amis venus de France, je tirerai tout droit sans détour pour fuir et poursuivre le voyage.
31 octobre, jour 131 : Murchehkhort – Esfahan (66 km)
1er novembre – 3 novembre : Repos
4 novembre, jour 135 : Esfahan – Kelishad (67 km)
5 novembre, jour 136 : Kelishad – Malvajerd (95 km)
6 novembre, jour 137 : Malvajerd – Asad Abad (79 km)
7 novembre, jour 138 : Asad Abad – Abadeh (91 km)
8 novembre, jour 139 : Abadeh – Safa Shahr (95 km)
Col record à 2550m d’altitude
9 novembre, jour 140 : Safa Shahr – Saadat Shahr (97 km)
10 novembre, jour 141 : Saadat Shahr – Persepolis (68 km)
11 novembre, jour 142 : Persepolis – Ziba Shahr (57 km)