Récit de voyage : Chili (4ème partie)

du 19/05/2017 au 12/06/2017

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19 mai, jour 331 : Viña del mar – Maitencillo (53 km)

20 mai, jour 332 : Maitencillo – Totoralillo (105 km)

21 mai, jour 333 : Totoralillo – Totoral (97 km)

22 mai, jour 334 : Totoral – Quebrada Seca (98 km)

23 mai, jour 335 : Quebrada Seca – La Serena (80 km)

Le front de mer bâti au nord de Valparaíso
Mais ça ne serait pas l’Aconcagua qu’on aperçoit au loin (le sommet blanc au centre-gauche) ? Si si, le point culminant des Amériques, 6961m, est visible à 150 km de distance en Argentine
En quittant la côte, l’influence du désert se fait sentir franchement. Le climat est encore suffisemment humide pour permettre aux cactus de dominer la végétation
La vallée de l’Amolanas
Bienvenue sur la route 5, qui traverse le pays de la limite de la Patagonie jusqu’au Pérou. C’est ici le point kilométrique 360 de la section nord partant de Santiago. Elle fait partie de la Route Panaméricaine, un réseau routier presque ininterrompu reliant Ushuaia en Patagonie á Prudhoe Bay au nord de l’Alaska !
Quand il est plus facile de faire pousser des cactus que de construire une cloture…
La Serena est la deuxième plus ancienne ville du Chili, fondée en 1544 par les colons espagnols pour en faire une ville-étape entre Lima et Santiago

La pause à la Serena me permet de visiter la vallée de l’Elqui, une oasis verdoyante dans le désert où la vigne est cultivée pour produire le Pisco, une sorte de cognac

 

26 mail, jour 338 : La Serena – La Higuera (59 km)

27 mai, jour 339 : La Higuera – Domeyko (96 km)

28 mai, jour 340 : Domeyko – Punta Diaz (113 km)

29 mai, jour 341 : Punta Diaz – Aéroport Desierto de Atacama (112 km)

30 mai, jour 342 : Aéroport Desierto de Atacama – Punta Salinas (101 km)

31 mai, jour 343 : Punta Salinas – Caleta Pan de Azúcar (69 km)

1er juin, jour 344 : Caleta Pan de Azúcar – Las Breas (99 km)

2 juin, jour 345 : Las Breas – Paposo (73 km)

Je dis au revoir à l’océan pour quelques jours, on peut dire que j’entre vraiment dans le désert d’Atacama
Le ruban de bitume de la Route 5 se faufile entre les montagnes
Au loin, la Cordillère des Andes couverte de neige ; la région d’Atacama profite de son ensoleillement pour exploiter l’énergie solaire mais la ressource reste encore peu exploitée
Contrairement aux journées, les nuits sont très humides et un épais brouillard couvre souvent la région au petit matin
Les pneus crevés sont simplement abandonnés au bord de la route… Ça me fait un sujet de photo mais ces pneus sont le pire ennemi du cycliste. L’armature du pneu en fils d’acier se désagrège et laisse des millions de petites épines métalliques qui finissent trop souvent plantées dans mes pneus. Je compte au moins une crevaison par jour à cause de ces fichus pneus.

Outre les pneus, les sacs plastiques sont absolument partout dans le désert… Les Chiliens sont de vrais cochons.
J’ai passé la nuit sur un terrain ressemblant étonnament aux photos envoyées par les robots sur Mars…
Toujours sur la Panaméricaine. Elle a le caractère d’une autoroute mais je roule en toute sécurité à l’écart du maigre trafic.
Je retrouve enfin l’océan à Bahia Inglesa, une station touristique au sable blanc
L’église de Caldera
La couleur de l’océan a une teinte particulière sur cette partie du littoral.
Ces rochers étaient probablement immergés lorsque le niveau de la mer était plus élevé qu’aujourd’hui

Superbe perspective ! (c’est encore plus impressionnant en vrai)

Étape dans la ville de Chañaral. Elle a éte dévastée par les coulées de boue survenues trois semaines plus tôt après des pluies exceptionnelles (1 an et demi de précipitations en 24 heures)
C’est parti pour le Parc National Pan de Azúcar !

Coucher de soleil dans le parc. Je passe la nuit sur la plage dans ce qui semble être un camping ; en cette fin d’automne je suis seul
Toujours le Parc Pan de Azúcar
Hello
Apportez de l’eau et la vie trouvera son chemin.
En montant jusau’au plateau en altitude, je découvre une multitude de mares dans le désert. Encore une trace des fortes pluies des semaines précédentes ?

3 juin, jour 346 : Paposo – Cerro Paranal (61 km)

4 juin, jour 347 : Cerro Paranal – La Negra (104 km)

5 juin, jour 348 : La Negra – Chacabuco (104 km)

6 juin, jour 349 : Chacabuco – Cerritos Bayos (91 km)

7 juin, jour 350 : Cerritos Bayos – Calama (31 km)

À la limite nord du village de Paposo, au 25ème parallèle sud, se trouvait la frontière entre le Chili et la Bolivie. Se trouvait, parce qu’en 1879, en raison d’un désaccord entre la Bolivie et des entreprises chiliennes sur l’exploitation des mines de salpètre, le Chili déclare la guerre à la Bolivie et au Pérou. Après 4 ans de conflit, le Chili remporte la victoire et annexe toute la façade maritime de la Bolivie ainsi qu’une région méridionale du Pérou et étend son territoire de 40%.
À la sortie de Paposo, j’entame la plus grande ascension de tout le voyage : 2100m dans la même journée. Je quitte définitivement l’océan Pacifique pour partir vers les hauts plateaux sous le regard des condors qui tournoient dans le ciel, guettant sans doute le moment où ils pourraient se repaitre de ma charogne. C’est aussi une longue section de désert avec 160 km sans rien et surtout sans eau.
Les premiers 1300m de montée sont difficiles, la pente s’adoucit ensuite mais les effets de l’altitude se font sentir et réduisent l’effort que je peux fournir. Je crois que j’appréhendais tellement cette épreuvedepuis plusieurs jours qu’elle m’a parue plus facile que prévu.
En montant, je passe à proximité de mines de cuivre. Le désert d’Atacama est riche en ressources minières, on se souvient de l’histoire de ces 33 mineurs chiliens bloqués sous terre pendant 69 jours. C’était à Copiapó, un peu plus au sud.
Sur le haut plateau à plus de 2000m d’altitude. Juste de l’autre côté de la montagne à gauche, c’est une pente vertigineuse jusqu’à l’océan.
Ce haut plateau et en particulier le mont Paranal est sans doute le meilleur site d’observation astronomique du monde. Si à l’oeil nu la différence n’est pas frappante, pour les télescopes géants il faut que le ciel soit pur, dégagé, sombre et que l’atmosphère soit la plus stable possible pour ne pas trop brouiller les images.
Ce lieu a été choisi pour accueillir un grand observatoire européen, le Very Large Telescope Array, équipé de 4 télescopes géants ayant chacun un miroir de 8,2m. Plus un miroir est grand, plus il recueille de lumière et, surtout, plus les images contiennent des détails. Il est même possible ici de combiner la lumière de trois télescopes et décupler la finesse des détails. Une visite du site est possible mais je ne pouvais pas m’y rendre à la bonne date.
L’Europe ne compte pas s’arrêter en si bon chemin puisque, quelques kilomètres plus loin, la première pierre d’un télescope gigantesque a été posée une semaine plus tôt. L’European Extremely Large Telescope, prévu pour démarrer en 2025, aura un miroir principal de 39m et un dôme de 86m…
Un artiste a décidé d’exposer ces oeuvres en plein désert. Ici un rocher repeint en pastèque.
Il a récidivé un peu plus loin avec un dé !
Je finis par approcher de la grande ville d’Antofagasta. Les industries y sont nombreuses, notamment pour fournir et supporter l’industrie minière.
Les cactus prennent vraiment toutes les formes. On notera qu’un système d’irrigation a été installé pour que la plantes survive 🙂
Je traverse à cette occasion le tropique du Capricorne situé à 23.5° sud. La montée vers la Bolivie commence. Partant de 400m d’altitude, je monterai progressivement à 4000m. La première se révèle très facile avec une pente imperceptible de 1% pendant 200 km et un vent de dos.
Cette figure est visible depuis une vue satellite, elle fait environ 150 mètres de long. Je ne sais pas qui l’a faite, quand, ni pour quelle raison…
Un train de marchandise dans l’immensité du désert.
Je découvre Chacabuco, un village fantôme qui m’a été conseillé il y a un bout de temps à La Serena.
Ce village de 7000 âmes a été construit pour accueillir les mineurs de salpêtre et leurs familles à partir de 1922. Abandonné après la crise des années 1930, il est réquisitionné par l’armée et convertit en prison où les prisonniers politiques de la dictature sont torturés et assassinés. C’est aujourd’hui un musée à ciel ouvert, le gardien m’autorise à y passer la nuit alors que les premières gouttes de pluie tombent sur le désert…
Coucher de soleil sur Chacabuco
Je passe dans une petite ville qui fête son 50ème anniversaire. Parmi les gens habillés en costumes traditionnels, ici un huaso chilien, équivalent du cow-boy états-unien ou du gaucho argentin. J’avais ressenti dejà à plusieurs reprises des petits séismes dans le nord du Chili mais, juste avant de prendre la photo, un séisme un peu plus fort nous a tous déséquilibrés et a rendu le cheval nerveux.
Des ruines au bord de la route, aucune idée de leur histoire mais il y en a un certain nombre dans la région.

Le mauvais temps finit par donner de fortes pluies, chose rare évidemment dans le désert. Plus haut dans les montagnes, les chutes de neige bloquent plusieurs routes et m’empêchent de visiter San Pedro de Atacama, ses paysages réputés et son grand salar (lac de sel asséché).

9 juin, jour 352 : Calama – Lasana (54 km)

10 juin, jour 353 : Lasana – Volcan San Pedro (58 km)

11 juin, jour 354 : Volcan San Pedro – Ollagüe (78 km)

12 juin, jour 355 : Ollagüe – Frontière bolivienne (10 km)

Un gazoduc partiellement enterré longe la route, les neiges récentes ont couvert de neige les volcans
Le volcan San Pedro, 6145m, domine le paysage
Je dors à proximité d’un canyon étroit et profond d’une centaine de mètres

Une montée de folie m’attend. Calama se trouve à 2300m d’altitude alors que la route permettant de passer en Bolivie passe tout près de la barrière symbolique des 4000 mètres. Sur le papier la pente est faible et je ne devrais pas avoir de difficultés pour couvrir les 200 km. En réalité les effets de l’altitude se font vite sentir à l’approche des 3000 mètres et deviennent accablants au delà. Installer la tente, chose faite des centaines de fois, me coupe le souffle. Pédaler sur 200m me donne l’impression de grimper une route de montagne bien plus raide qu’elle n’est vraiment. Le vent de face ou de côté s’en mêle et rend l’ascension encore plus difficile. L’absence d’eau m’oblige à être prudent, si bien que sans m’en rendre compte, avec le vent sec et le froid, je n’ai pas soif et je me déshydrate. Un gros mal de tête s’en suit pendant toute une journée mais je finis par comprendre que ce n’est pas simplement le mal des montagnes.

Les premières neiges au bord de la route
Au sommet du col, je monte quand même à pied jusqu’à l’altitude symbolique de 4000m. Un chemin permet de continuer l’ascension vers une frontière plus proche avec la Bolivie mais elle est impraticable avec un vélo. Je continue sur la route enrobée vers Ollagüe.

Je termine enfin de contourner le volcan San Pedro et atteindre péniblement le sommet du col à 3965 mètres. J’ai atteint l’altiplano ! La suite est relativement plate et me fait passer par des petits salars boueux. La difficulté n’est plus la montée mais le froid qui atteint -5°C et moins pendant la nuit. Mes problèmes d’eau sont moins pesants après avoir croisé un poste de police. Au pire, j’ai maintenant à ma disposition la neige que je peux faire fondre en cas d’urgence.

L’église d’Ascotán, à la limite sud du salar du même nom.
Un guanaco, un lama à poil ras, sur le salar d’Ascotán.
La route contourne le salar d’Ascotán qui est impraticable même à pied puisqu’on s’y enfonce dans la boue…
Le salar de Carcote, une immense étendue parfaitement plate. Le sel ne se voit pas mais il suffit d’y goûter pour le comprendre.

Paradoxalement, en montant, le désert laisse la place à une végétation rase. Les volcans alentours en sont couverts. Les volcans sont omniprésents, ils barrent l’horizon par dizaines et ont souvent une belle forme conique. Le volcan Ollagüe, qui donne son nom à la ville-frontière, laisse même s’échapper un petit panache de fumée. Je finis par arriver à Ollagüe le 12 juin, le dernier jour autorisé pour mon séjour de 90 jours au Chili. Ce fut riche en émotions, maintenant place à la Bolivie !

Derniers au-revoirs au Chili :’)

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