du 17/01/2017 au 06/02/2017
17 janvier, jour 209 : Frontière cambodgienne – Nong Ta Khong (20 km)
J’aborde la frontière au cours de l’après-midi. Côté cambodgien, la ville est agitée, bruyante, frénétique. Aucun problème pour sortir du pays, j’avais peur d’être ennuyé en passant par un poste-frontière peu fréquenté par des touristes. Côté thaïlandais, c’est plus calme, la circulation est plus apaisée et la population moins agitée. J’ai le droit de rester 30 jours dans le pays, ça devrait être largement suffisant. À noter que le nombre d’entrées en Thaïlande par les frontières terrestres est maintenant limité à 2 fois par an depuis cette année, à garder en tête pour les voyageurs qui voudraient zigzaguer et passer les frontières dans tous les sens.
La circulation se fait à gauche, j’ai beau le savoir, je me fais encore piéger ! Le pays est clairement plus riche, on y rencontre bien plus de voitures, les routes ont un revêtement de bonne qualité, plus qu’une seule voie par sens, on y trouve des chaines de magasins, des enseignes lumineuses ; beaucoup de choses absentes en dehors des villes au Cambodge.
18 janvier, jour 210 : Nong Ta Khong – Chanthaburi (98 km)
19 janvier, jour 211 : Chanthaburi – Koh Chang (61 km)
Koh Chang (l’ile de l’éléphant) étant donc une ile, il faut emprunter un ferry pour faire la traversée de 10 km. Et une fois arrivé sur l’ile, c’est réellement la montée la plus violente de tout le voyage qui m’attend. Elle dépasse certainement les 15%. Je pousse pied à terre mais mon effort est autant pousser que porter le vélo. Une fois les deux côtes passées, la route reste vallonnée mais plus abordable.
Je ne vais pas très loin sur l’ile, je m’arrête aux premiers logements abordables. Il n’y a pas de place mais en blaguant à moitié, je propose au propriétaire anglais de dormir sur l’herbe et il accepte, cela préservera mon budget puisqu’il faut compter au moins 10€ pour avoir une petite chambre. C’est finalement pas une mauvaise idée de camper parce que la plupart des autres hôtels et bungalows sont complets en cette saison. C’est parti pour deux jours de plongée et la « spécialisation » épaves…
22 janvier, jour 214 : Koh Chang – Chanthaburi (59 km)
Je refais le même chemin que quelques jours auparavant. Je souhaite rejoindre Bangkok au plus vite depuis le port du ferry mais le bus est complet. Je dois rejoindre Chanthaburi pour trouver plus de bus rejoignant la capitale. Je finis ma journée dans le même temple qu’à l’aller et j’y passe la nuit. Cette fois-ci, une fête est organisée pour l’ordination de nouveaux moines et je suis invité à manger, boire et écouter la musique avec les personnes présentes 🙂
23 janvier, jour 215 : Chanthaburi – Ratchaburi (43 km)
Je rallie le centre de Chanthaburi pour embarquer à bord d’un car pour Bangkok. Le chargement du vélo dans la soute se fait sans grande difficulté, j’ai retiré les pédales et démonté le guidon au cas où mais ce n’était peut-être pas indispensable. On est en Thailande, je ne suis pas sûr que charger un vélo presque complet en soute aurait été accepté en France. Les 250 kilomètres de route seront parcourus en 5 heures, sans aucune pause. Il faut dire que le chauffeur n’était pas pressé et roulait sur les contre-allées encombrées alors qu’il pouvait rejoindre les voies rapides juste à côté… J’ai bien fait de prendre le bus parce que les routes à l’approche de Bangkok n’ont pas l’air jolies à faire à vélo, des voies rapides, des camions, des commerces partout.
À Bangkok, je remonte en vitesse le vélo et parcours les 10 kilomètres jusqu’à la gare. Je souhaite m’éloigner de la capitale et ses faubourgs interminables en rejoignant Ratchaburi à une centaine de kilomètres à l’ouest. Pour la modique somme de 1.30€ (plus 2.30€ ppur mon vélo !), je peux faire 2h de train en 3ème classe. C’est pareil que pour le trajet Bangkok – Vientiane qui lui durait toute une nuit.
J’arrive à Ratchaburi de nuit. La recherche d’un lieu de camping en ville n’étant pas très marrante sans lumière, je me dirige vers un temple pour demander l’hospitalité. Je devrai me contenter d’une dalle de béton à l’extérieur du bâtiment… Et d’un moine extrêmement bavard alors que je ne comprends absolument rien. Il me parle peut-être trois-quarts d’heure, il remet en cause chaque action que je fais pour me préparer à dormir : il me suggère de dormir à des endroits top géniaux (pile sous un lampadaire ou sur de la terre…), il craint que mes affaires soient volées donc je dois les mettre à côté de moi, que des moustiques me dévorent… Sans jamais me proposer de passer la nuit à l’intérieur, même sur le sol. Je ne lui en veux pas, je suis reconnaissant de pouvoir dormir ailleurs que dans la rue mais qu’il me laisse dormir !
24 janvier, jour 216 : Ratchaburi – Had Chao Sam Ran (85 km)
25 janvier, jour 217 : Had Chao Sam Ran – Thaao Ko Sa (93 km)
26 janvier, jour 218 : Thaao Ko Sa – Prachuapkhirikhan (90 km)
27 janvier, jour 219 : Prachuapkhirikhan – Bang Saphan (101 km)
28 janvier, jour 220 : Bang Saphan – Thung Walaen (97 km)
29 janvier, jour 221 : Thung Wualaen – Khlong Khanan (105 km)
30 janvier, jour 222 : Khlong Khanan – Tha Chang (86 km)
31 janvier, jour 223 : Tha Chang – Bang Sawan (95 km)
1er février, jour 224 : Bang Sawan – Ao Nang (xx km)
Je vais faire le récit de tous les jours précédents d’un seul bloc. J’ai pris du retard dans la rédaction et il ne s’est pas passé forcément des choses folles tous les jours.
J’ai parcouru toute la bande de terre reliant la péninsule malaise au reste de l’Asie en suivant la côte du Golfe de Thaïlande. C’était très plat avec les premiers jours un bon vent de dos qui s’est calmé par la suite. Les semaines précédentes ont apparemment été marquées par de fortes pluies et des inondations dans le sud du pays mais je ne vois pas de trace des dégâts occasionnés. La route nationale 4 est empruntée par tous les véhicules, voitures, bus et camions, désirant se rendre dans le sud ; le trafic est assez important et le bruit me force à l’éviter. Ça tombe bien, la Thaïlande est un pays où il existe des routes secondaires ! Ça faisait depuis l’Europe que je n’avais pas vu ça… J’ai suivi toute une série de petites routes entre la nationale et la côte, elles sont pour la plupart très peu fréquentées, bien goudronnées, avec une large bande cyclable sur le côté et donc parfaites pour le voyage à vélo. Il faut cependant avoir une carte assez précise voire un GPS pour de repérer, il n’y a souvent pas de panneaux, il est très facile de se perdre et de rallonger la route de plusieurs kilomètres en prenant le mauvais embranchement…
Le nord de la bande côtière est touristique, on passe souvent près de luxueux resorts et autres résidences pour les touristes étrangers d’un certain âge ou les habitants aisés de Bangkok. En avançant dans le sud, il n’y a plus grand chose d’autre que des plantations : le cœur culturel et historique de la Thailande est vraiment au nord, le paysage est plat avec les montagnes birmanes à l’ouest. On y cultive beaucoup de cocotiers qui laissent progressivement leur place aux palmiers à huile, plus petits et au tronc plus large que les grands et fins cocotiers. On y trouve aussi des cultures de durian, un fruit à l’odeur forte, bien que je n’ai aucune idée de l’arbre qui le produit. Je le sais à l’odeur dégagée par les entrepôts au bord de la route…
Je longe la côte à plusieurs reprises, je passe à l’occasion par quelques villages de pêcheurs. Je ne vais pas jusqu’à me baigner à cause du sel et de la difficulté de me rincer à l’eau douce. La fois où j’ai le cran de tremper mes pieds dans l’eau de mer, je finis la journée et même les jours suivants avec une terrible irritation de la peau aux points de frottement avec les sandales. Pas facile de la jouer YOLO ! De toute manière, la couleur de l’eau n’est pas toujours rassurante, d’un marron peut-être provoqué par les pluies précédentes qui ont chargé la mer de sédiments.
Ces quelques jours sont l’occasion de faire la rencontre de la faune thaïlandaise. Les fourmis tout d’abord : ne faites pas l’erreur de mettre des fruits dans des sacoches à l’extérieur de la tente. C’est le meilleur moyen d’attirer toutes les fourmis du coin et de transporter avec soi des centaines ou des milliers de ces petits insectes. Et si vous avez le malheur d’en faire tomber sur vous, ce sont des dizaines de morsures douloureuses comme une aiguille plantée dans la peau. D’autres fois, en sortant de la tente dans la nuit noire avec une lampe frontale, on peut voir des dizaines de points colorés et brillants dans l’herbe. Des gouttelettes de rosée ? Presque : la tête de petites araignées que l’on ne voit pas habituellement.
Mais ces bébêtes sont gentilles comparées aux babouins. Ces primates sont cleptomanes : si vous ne faites pas attention, ils n’hésitent pas à s’emparer de divers objets. J’ai fait l’erreur de prendre une pause lecture en laissant une sacoche ouverte, le singe est monté discrètement fouiller avant de s’enfuir avec un paquet de lingettes. Il a fallu que je le poursuive jusqu’à son arbre puis lui lance des cailloux pour qu’il abandonne son larcin. Il n’a pas trop aimé mon attitude, il m’a approché en montrant les dents. Je ne me suis pas éternisé sur place, ils n’ont pas peur des humains et je ne voulais pas me retrouver entouré par une bande de babouins agressifs au milieu de nul part. Dernier animal auquel j’ai eu à faire, un serpent ! Je suis tranquillement allongé dans la tente avant de me mettre à préparer le diner quand le sol se soulève de quelques centimètres avec un léger bruissement de la couverture de survie servant de tapid entre le sol et la tente. Il prend une forme cylindrique de 2-3 cm de diamètre sur une trentaine de cm de longueur. Je touche avec les doigts par réflexe pour voir ce que c’est : aucun doute c’est le corps d’un serpent qui s’est abrité sous la tente… Il fuit dès que je le touche mais je ne fais plus du tout le fier ! Je me barricade dans la tente à l’affût du moindre mouvement et du moindre bruit, je n’ose plus l’ouvrir pour préparer à manger. À la place je grignote les biscuits que j’ai avec moi à l’intérieur… J’arriverai finalement à sortir avant de me coucher pour faire un minimum d’hygiène, non sans avoir guetté la moindre trace d’un serpent devant la tente et autour… Pour vous donner une idée, en Europe je voyais tous les jours des hérissons écrasés sur la route, au Moyen-Orient des chiens et des chats et en Asie du sud-est des serpents, parfois bien gros… Je ne camperai plus les jours suivants, pas vraiment par crainte d’un autre serpent mais parce qu’il est plus facile et confortable de passer la nuit dans un temple bouddhiste.
Le paysage devient spectaculaire grâce aux karsts dans les environs du parc national Kao Sam Roi Yot. Pour rappel ce sont des massifs rocheux facilement érodés par l’eau et qui prennent des formes impressionnantes. La grotte de Phraya Nakhon est un très bel exemple, l’eau a creusé la roche sur des dizaines de mètres jusqu’à faire disparaitre le plafond de la grotte. On peut donc visiter une grotte à ciel ouvert où l’eau et la lumière ont permis aux arbres de pousser au milieu des stalactites et des stalagmites ! Le lieu offre une ambiance irréelle grâce au jeu de la lumière du soleil sur le léger brouillard et le petit temple construit au fond du gouffre.
On retrouve des karsts exceptionnels dans toute la mer d’Andaman, c’est-à-dire la côte sud faisant face à l’Indonésie. À la toute fin de ces quelques jours sue je présente, je traverse la province de Krabi avant de faire une pause à Ao Nang, à proximité de la presqu’île de Railay. La route slalome entre les massifs karstiques posés sur la plaine, comme sortis de nul part, aux parois verticales s’élevant jusqu’à 400 mètres au dessus de la route.
2 février, jour 225 : Ao Nang (repos)
3 février, jour 226 : Ao Nang – Khlong Phon (77 km)
4 février, jour 227 : Khlong Phon – Khuan Inthanin (95 km)
5 février, jour 228 : Khuan Inthanin – Manang (88 km)
6 février, jour 229 : Manang – Frontière malaisienne (58 km)
Dernière ligne droite en Thaïlande, direction la Malaisie au sud-est. La route passe au pied de maassifs karstiques et montagneux mais elle reste plutôt plate, tout au plus vallonnée en approchant de la Malaisie. Mention spéciale pour le début de la route au nord-est d’Ao Nang qui vient frôler les falaises.
En approchant de l’équateur, le climat a changé. Le nord et le centre de la Thaïlande présentent un climat tropical humide, c’est-à-dire dire que les hivers sont doux et secs et les étés chauds et très arrosés. C’est ce que j’ai connu depuis le Laos et c’est excellent pour faire du vélo (bien que quelques degrés en loins ne seraient pas un luxe). Au sud du pays et jusqu’à Singapour, c’est un climat équatorial où les saisons s’effacent : il fait chaud et humide toute l’année. Schématiquement, les matinées sont ensoleillées et le ciel se charge de nuages en début d’après-midi. L’air chauffé au sol et chargé d’humidité s’élève, les températures baissant avec l’altitude, l’humidité se condense en gouttelettes et forme d’immenses nuages verticaux risquant de causer des orages accompagnés de pluies torrentielles. Il est fréquent que je vois ces pluies violentes à quelques kilomètres alors que je suis au soleil ou bien de rouler et voir le sol devenir détrempé et boueux. Je n’ai subi qu’un seul orage l’avant-dernier jour en Thaïlande et j’étais heureusement en pause à l’abri sans quoi j’aurais été complètement trempé jusqu’au caleçon en quelques secondes… Un des avantages de ce climat, ce sont les couchers de soleil : les nuages montent haut et laissent percer la lumière, cela produit de superbes dégradés de couleurs entre les différentes altitudes des nuages ! Le ciel nocturne est souvent illuminé par la foudre tombant au loin.
Il y a une minorité musulmane dans toute la péninsule malaise, et c’est vrai aussi sur le pourtour du Golfe de Thaïlande, au Cambodge et au Vietnam. En approchant de la Malaisie, ça devient peut-être une majorité : on trouve régulièrement des mosquées, des restos affichent le caractère halal de leur viande, beaucoup de femmes sont voilées. Un peu plus au nord de la route que j’emprunte, un conflit armé oppose l’armée régulière à des mouvements autonomistes. La région était historiquement un sultanat malais conquis par le royaume thaï à la fin du 18ème siècle.
Le roi de Thaïlande fait l’objet d’un véritable culte. On retrouve ses portraits partout : sur des affiches publicitaires, devant des bâtiments publics, à l’entrée des commerces et même au domicile des habitants. C’est un symbole d’unité nationale qui n’a pas de réel pouvoir politique. Il est mis en avant tandis qu’en coulisses on trouve au pouvoir depuis 2014 une junte militaire. Sa popularité chez les thaïlandais est cependant sincère. Le roi le plus souvent représenté, Rama IX, est décédé en 2016 après 70 ans de règne. Son fils Rama X ne jouit pas encore de l’aura de son père et est encore peu représenté en photo dans l’espace public.
Je traverse la frontière au cours de l’après-midi après une petite montée dans les montagnes frontalières. C’est le changement de pays le plus facile que j’ai eu jusque là, excepté bien sûr entre la France et l’Italie. Le policier côté Thaïlandais, voyant sans doute la sueur perler sur mon front, m’offre même une bouteille d’eau. Côté malaisien, le passeport est tamponné pour 90 jours sans la moindre question ni le moindre papier à remplir. Easy !