Singapour approche, c’est la fin du voyage initialement prévu. J’ai beau avoir sauté l’étape indienne, j’y arrive fin février : ça veut dire que j’ai été optimiste sur le rythme lors de la préparation. J’ai perdu deux bonnes semaines pour obtenir le visa iranien puis à attendre le ferry vers les Émirats. Les autres cyclos rencontrés qui se sont rendus en Inde ont dû patienter au moins deux semaines pour obtenir le précieux autocollant, je n’ai donc aucun regret d’avoir évité ce pays. Aujourd’hui, cela fait 236 jours que je suis sur les routes d’Eurasie avec presque 17000 kilomètres au compteur. Je vais avancer très vite vers Singapour, je viens d’ailleurs de battre le record de distance aujourd’hui avec 125 km – les pâtes, les conditions et les plantations interminables de palmiers favorisant le pédalage.
Je prolonge mon voyage pour 6 mois supplémentaires, cela me fera terminer en août. La suite se découpera en deux parties :
Amérique du Sud
Sans doute la partie la plus difficile de tout le voyage…
Le départ de cette étape est Ushuaia, la « ville la plus au sud du monde », tout au sud de l’Argentine. Je me rendrai par avion à Buenos Aires d’où je prendrai certainement un autre vol vers Ushuaia. L’option bus n’est franchement pas moins chère sans compter le vélo et le voyage d’une cinquantaine d’heures serait interminable !
Je roulerai vers le nord en restant au pied des Andes jusqu’à El Chalten en Argentine. L’aventure commencera vraiment à partir de ce moment puisque je rejoindrai la Carretera Austral au Chili. C’est une route célèbre chez les cyclovoyageurs, elle relie le sud du Chili, très isolé du reste du pays par les fjords et les bras de mer. Ce sont plus de 1200 km de terres sauvages entre montagnes, mer et lacs, les paysages y sont magnifiques. Mais la route n’est que partiellement goudronnée et nécessite à quatre reprises des traversées en ferry. Je risque de devoir écourter mon trajet sur cette route parce qu’un des ferrys s’arrête à la fin du mois de mars. Le timing risque d’être juste, surtout si je fais des pauses sur le trajet pour faire un peu de rando. Cela explique pourquoi je presse le pas dès maintenant. Au pire, je pourrai rejoindre des routes parallèles du côté argentin mais, en plus de me rajouter des centaines de kilomètres bêtement, les paysages y sont moins intéressants et le vent y est parait-il diabolique…
Après la Carretera Austral, je continuerai ma route vers le nord le long de la côte Pacifique jusqu’au désert d’Atacama, la région la plus sèche du monde. Puis viendra rien de moins que l’ascension de la cordillère des Andes pour entrer en Bolivie dans la région du salar d’Uyuni, le plus grand lac de sel du monde. Je ne promets pas de grimper jusqu’à près de 4000m à la seule force de mes jambes, je finirai peut-être par grimper dans un bus ou dans un camion. Je ne sais pas vraiment quelles conditions je rencontrerai à cette altitude en mai, je sais que la température peut descendre à -20°C la nuit. -10°C sans vent me semble déjà difficile avec mon équipement…
En fonction des conditions et du temps qui me restera, je poursuivrai ma route dans les Andes péruviennes avant de descendre vers Lima. Si ça ne va pas, je pourrai sauter dans un bus pour avancer. La Paz, la capitale bolivienne est mal desservie donc je dois quoi qu’il arrive rejoindre Lima pour prendre l’avion.
Retour en Europe
J’avais pensé au départ poursuivre aux États-Unis, en partant de Vancouver (Canada) ou Seattle pour descendre par la côte Pacifique jusque vers Los Angeles. Je serais ensuite parti vers l’est, pour me rendre au Grand Canyon, puis vers le nord pour traverser l’Utah et terminer au parc de Yellowstone. Mais ça ne se fera pas : une loi votée en 2015 m’oblige à faire une demande de visa alors que les Français en sont normalement dispenses. Eh oui je commis le crime de me rendre en Iran donc je suis suspect par défaut. Comme je n’ai pas envie de remplir de la paperasse, payer 160$, attendre 15 jours, passer un entretien et me voir probablement refuser l’autocollant, c’est mort. Ça tombe bien, il y a plein d’autres pays à visiter !
Je m’envolerai donc de Lima vers Helsinki en Finlande ou Saint-Pétersbourg en Russie – la seconde option n’étant pas de nature à arranger mon dossier pour l’administration étatsunienne, quoique… Je me rendrai au Cap Nord en Norvège, le point le plus au nord du continent, avant de repartir plein sud en suivant la côte déchiquetée par les fjords. Du sud de la Norvège, je continuerai ma route vers la France en passant soit par l’Écosse et l’Angleterre ou l’Irlande, soit par le Danemark et l’Allemagne. Et je serai alors arrivé au terme de cette espèce de tour du monde avec environ 30000 kilomètres parcourus 14 mois…